par Inès ZARROUK, étudiante du Master 2 Droit des médias électroniques
La liberté d’expression va de pair avec la liberté de la presse, car « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme », tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans certains cas précis. Elle constitue l’un des fondements d’une société démocratique et ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires. Parmi celles-ci figure la protection de la réputation ou des droits d’autrui.
Les contours de la liberté d’expression dans le milieu audiovisuel : L’obligation du respect des droits de la personne
La loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication confie à l’Arcom, autorité publique indépendante, la responsabilité de garantir la liberté de communication audiovisuelle. Elle veille à ce que tous les services de communication audiovisuelle relevant de sa compétence respectent les principes énoncés par la loi. Ainsi, il est possible de limiter la liberté de communication conformément à des principes moraux et d’ordre public, notamment le respect de la dignité humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui ou encore la protection de l’enfance et de l’adolescence.
Le 17 janvier dernier, l’Arcom a sanctionné la chaine de télévision au regard de l’exigence de proportionnalité. Cette condition implique de rechercher si, au regard des circonstances particulières de l’affaire, l’extrait télévisé litigieux dépasse les limites admissibles de la liberté d’ expression. La séquence, datée du 30 janvier 2023, est selon elle : « de nature à porter atteinte aux droits de la jeune fille, au respect de son honneur et de sa réputation ». Dans sa décision, L’Arcom rappelle que, conformément à la convention du 29 mai 2019, l’éditeur a l’obligation d’assurer le respect des droits de la personne relatifs à sa vie privée, à son image, à son honneur et à sa réputation tels qu’ils sont définis par la loi et la jurisprudence. Il est responsable du contenu des émissions qu’il diffuse. Il conserve en toutes circonstances la maîtrise de son antenne.
En janvier 2023, l’équipe de « Touche pas à mon poste » réagissait en direct à des vidéos postées sur le réseau social Instagram, où la jeune fille est très active. « Pour moi, c’est le summum de la vulgarité, donc pour moi, c’est hypervulgaire, avec sa langue, sa bouche, ses nichons », a lancé une chroniqueuse (K. Vellodelli) après le visionnage des images. Poursuivant son intervention, la chroniqueuse a persisté en exprimant : « “Parce que c’est la nouvelle génération, on a le droit d’être des tepu [putes, en verlan, NDLR] ?” ». En effet, l’Arcom a caractérisé les déclarations en question comme étant « particulièrement violents, grossiers et dépréciatifs“, mettant en évidence qu’elles peuvent porter atteinte aux droits de la jeune fille, en particulier en ce qui concerne le respect de son honneur et de sa réputation.
La modération : L’obligation de maîtrise de l’antenne par le présentateur
Les recommandations de l’Arcom en matière d'”éthique des programmes” sont initialement axées sur l’organisation du principe du “pluralisme de l’expression de courants de pensée et d’opinion”, conformément à l’article 1 de la loi du 30 septembre 1986. L’Arcom a précisé dans sa décision la manière dont les entreprises de communication audiovisuelle devraient appliquer les obligations légales inhérentes à toute publication en respectant la vie privée et le droit à l’image d’autrui.
Au titre de leurs obligations légales, les télévisions et radios doivent suivre des règles de déontologie. Ces dernières servent à protéger et à compléter la liberté de communication du public. La principale responsabilité de l’Arcom réside dans la préservation de la liberté d’expression des auditeurs et des téléspectateurs. L’Autorité s’appuie sur une exigence commune imposée à tous les éditeurs, à savoir la gestion maîtrisée des contenus diffusés. Dans sa décision, l’Arcon réaffirme l’importance du rôle de l’éditeur. Il est responsable de ce qu’il transmet et doit garantir le contenu diffusé à l’antenne. En cas de manquement résultant d’un défaut de maîtrise de l’antenne, l’Arcom prend en considération le genre de l’émission et les conditions de sa diffusion. En effet, la gravité du manquement sera évaluée différemment selon qu’il s’agisse d’un programme humoristique, informatif, d’une fiction ou d’une émission de libre antenne.
L’Arcom retient que si une partie des chroniqueurs a pu tenir des propos plus mesurés, il n’en demeure pas moins que ces interventions ont conduit à relancer le débat au lieu de le modérer. Elle pointe du doigt la réaction du présentateur de l’émission. En effet, si Cyril Hanouna s’était exprimé sur le plateau en disant « Je trouve que vous allez un peu loin. On rappelle qu’elle est mineure, donc allez-y mollo, hein, quand même », selon l’instance, il n’a pas condamné explicitement les mots employés par son équipe. L’Arcom, dans sa décision, en a conclu que ces commentaires non modérés ont violé les droits de l’invité ainsi que son droit à son honneur en soulignant le manque de maîtrise de l’antenne par la chaîne.
Ces dernières années, Touche pas à mon poste ! A fait l’objet d’une pluie de mises en garde et sanctions de l’Arcom équivalent à un total de 7,5 millions d’euros. Par ailleurs, l’autorité a adressé une autre amende de 50 000 euros au groupe Bolloré, pour une séquence sur CNews, concernant la question de l’insécurité.
Sources :
Éthique et déontologie à la télévision, cairn.info
ARCOM, La déontologie des programmes
ARCOM, Décision du 17 janvier 2024 portant sanction pécuniaire à l’encontre de la société C8