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La conduite autonome en Europe : réguler pour mieux innover ? 

Publié par Romane Grillet le 18 décembre 2025 dans Internet / Numérique : Actualités | Consulté 5 Fois

par Romane GRILLET, étudiante du Master 2 Droit des communications électroniques

« Conduire une voiture paraîtra un jour aussi archaïque que monter à cheval aujourd’hui. » Cette formule du neurochirurgien Jonathan Slotkin, publiée dans le New York Times, illustre l’état d’esprit qui prévaut aujourd’hui aux États-Unis et en Chine, selon lequel la conduite autonome n’en est plus à l’ère de l’expérimentation, mais apparaît comme une solution opérationnelle au problème de l’insécurité routière liée à l’erreur humaine. En effet, dans de nombreuses métropoles américaines et chinoises, telles que Phoenix et Shanghai, ces véhicules circulent désormais sans conducteur et sont intégrés aux usages quotidiens. 

Les chiffres publiés par la société américaine Waymo, leader des robot-taxis outre-Atlantique, attestent d’une réduction de 91 % des accidents graves et de 96 % des collisions aux intersections par rapport à la conduite humaine. Ces chiffres alimentent ainsi le débat sur une potentielle interdiction de la conduite humaine au profit d’une automatisation totale de la circulation. 

D’un point de vue juridique, les États-Unis optent pour une logique largement décentralisée, mettant le droit au service de l’expérimentation afin de favoriser un progrès technique rapide. Les États fédérés disposent ainsi d’une compétence étendue pour autoriser les tests et la mise en circulation de ces véhicules tout en privilégiant une régulation a posteriori. La Chine, quant à elle, adopte une approche différente qui combine l’expérimentation massive et un contrôle étatique renforcé. Cette stratégie se matérialise par l’autorisation de la circulation, par les autorités locales, assortie d’exigences strictes en matière de données, de cybersécurité et de conformité aux objectifs de politique industrielle nationale. 

Ce constat ravive un débat juridique central : si la conduite autonome est statistiquement plus sûre, le maintien de la conduite humaine demeure-t-il juridiquement légitime ? Plus largement, où se situe l’Union européenne au sein de cette recomposition mondiale de la mobilité ?

L’Union européenne : un modèle fondé sur la régulation préalable

L’Union européenne a fait le choix d’une intégration progressive, juridiquement sécurisée, de la conduite autonome : les véhicules autonomes sont autorisés mais soumis à un encadrement strict. En effet, le règlement UE 2019/2144 instaure une homologation préalable obligatoire pour les véhicules équipés de systèmes automatisés, conditionnée au respect d’exigences strictes en matière de sécurité. Cette orientation répond à un double impératif : anticiper les mutations techniques induites par l’automatisation tout en préservant les principes juridiques fondamentaux attachés à la mobilité, au premier rang desquels figure la liberté de circulation.

Cette dynamique est renforcée par le respect de normes internationales, telle que la norme UN R157, qui encadre les systèmes de niveau 3, en autorisant une délégation temporaire de conduite tout en exigeant la possibilité d’une reprise en main immédiate par le conducteur, sans permettre, à ce stade, une autonomie complète sans supervision humaine. 

Aujourd’hui, le droit et la technique distinguent plusieurs degrés d’automatisation, allant de la simple assistance à la conduite à l’autonomie intégrale (niveaux 0 à 5). Cette classification permet d’organiser juridiquement la cohabitation des différents degrés d’automatisation au sein d’un trafic « mixte », associant véhicules autonomes et conduite humaine. Cette ambition européenne ne se limite d’ailleurs pas à l’automobile, mais s’étend à l’ensemble des modes de transport autonomes, qu’ils soient routiers, ferroviaires, maritimes ou aériens.

La France figure parmi les États européens connaissant le degré d’automatisation le plus avancé, puisqu’elle autorise les systèmes de conduite de niveau 3 depuis l’entrée en vigueur du décret n°2021-873 du 29 juin 2021, correspondant à une automatisation conditionnée par la possibilité pour le conducteur de reprendre le contrôle. Elle s’oriente pas à pas vers le niveau 4, caractérisé par une automatisation élevée sans intervention du conducteur dans une zone définie. À cet égard, l’exemple le marquant est le partenariat entre Renault et le groupe chinois WeRide, consistant à mettre en circulation des navettes autonomes à l’occasion de Roland-Garros : un trajet limité à moins de trois kilomètres et à une vitesse réduite, bien éloigné des concurrents américains et chinois. 

Une innovation prometteuse entravée par des verrous juridiques persistants : 

L’essor de la conduite autonome suscite autant d’espérances que d’interrogations en ce qu’elle constitue à la fois une opportunité technologique majeure et un défi sociétal et juridique. Comme évoqué précédemment, cette technologie permet de réduire considérablement les risques d’accidents de la route, mais elle aurait également des conséquences juridiques, économiques et sociales significatives. 

Outre la fluidification du trafic routier, la limitation des embouteillages et, par conséquent, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la conduite automatisée favoriserait une meilleure inclusion sociale en offrant aux personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite, notamment les personnes âgées, de se déplacer plus facilement.  Sur le plan économique, pour les opérateurs, les gains se traduiraient par une amélioration de la productivité et une baisse des coûts, renforçant ainsi la compétitivité des entreprises européennes sur les marchés internationaux. 

Cependant, cette innovation n’est pas sans risques et fait l’objet de nombreuses interrogations pour sa mise en œuvre, notamment sous l’angle juridique. 

Le principal verrou juridique à la généralisation de la conduite autonome réside dans la détermination de la responsabilité en l’absence de conducteur humain. L’automatisation de la conduite vient remettre en cause la responsabilité civile structurée par principe autour de la faute ou, à défaut, de la garde du véhicule. Ici, plusieurs acteurs peuvent être impliqués comme l’utilisateur, le constructeur du véhicule, l’éditeur du logiciel de conduite ou l’opérateur du service, et cette pluralité rend incertaine l’identification du responsable du dommage ce qui fragilise le droit à réparation des victimes. Pour autant, l’UE a engagé une réflexion sur l’adaptation du régime de responsabilité du fait des produits défectueux, issu de la directive 85/374/CEE de 1985, pour garantir une indemnisation effective aux victimes sans imposer une charge probatoire excessive. 

Par ailleurs, la conduite autonome repose sur le traitement massif de données, dont certaines à caractère personnel, ce qui justifie l’application du RGPD imposant des obligations strictes en matière de licéité et de sécurité. Un pack de conformité véhicule connecté a d’ailleurs été élaboré par la CNIL afin de permettre à ce type de véhicules d’être conforme au RGPD dès leur conception. Toutefois, les menaces de cyberattaques ou prise de contrôle à distance des véhicules constituent des enjeux dépassant le champ de protection par le RGPD. À ce stade, aucune régulation européenne sectorielle ne garantit pleinement la résilience de ces véhicules face à ces risques.

La conduite autonome à l’horizon 2035 en UE : prudence paralysante ou avantage stratégique ? 

À l’horizon 2035, deux trajectoires opposées mais crédibles semblent se dessiner pour l’UE. 

Dans un premier scénario, ce choix de prudence réglementaire pourrait se transformer en frein structurel. En conditionnant excessivement l’innovation à des exigences normatives trop lourdes, l’Europe risquerait de ralentir le passage de l’expérimentation à la commercialisation à grande échelle. Un tel ralentissement aurait des conséquences économiques et industrielles durables, les entreprises européennes ainsi privées d’un marché suffisamment dynamique pourraient être tentées de délocaliser leurs activités vers un environnement plus permissif et l’Europe serait réduite au rang de marché de consommation, dépendant des technologies conçues et maîtrisées par les acteurs américains et chinois. 

À l’inverse, un second scénario envisage cette prudence comme un avantage stratégique. À l’image du RGPD, dont l’effet extraterritorial a profondément influencé les pratiques numériques à l’échelle mondiale, le droit européen de la conduite autonome pourrait devenir une référence internationale. 

Dans cette perspective, la régulation à travers ces exigences en matière de sécurité routière, de responsabilité et de protection des données et de cybersécurité, permettrait à l’UE d’instaurer un climat de confiance propice à l’adoption massive de la conduite autonome, ce qui pourrait inciter les acteurs industriels mondiaux à se conformer aux standards européens pour accéder au marché de l’UE, ce qui renforce son pouvoir normatif global. 

Dans cette optique, la question de l’interdiction de la conduite humaine apparaît moins centrale que celle de la normalisation progressive de l’automatisation. Le droit européen ne semble pas s’orienter vers une prohibition de la conduite humaine, qui entrerait en tension avec certains des principes fondamentaux. Il n’est cependant pas impossible que l’automatisation devienne la norme de fait, sans interdiction formelle de la conduite humaine. Ainsi, l’avenir de la conduite autonome en Europe dépendra moins de la vitesse du progrès que de la qualité du cadre juridique qui l’accompagnera. 

Sources :

  • https://www.numerama.com/vroom/2133831-la-conduite-autonome-est-beaucoup-plus-fiable-que-les-humains-en-voiture-les-chiffres-sont-formels.html
  • https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043729532
  • https://www.village-justice.com/articles/voiture-autonome-europe-privilegie-regulation innovation,54796.html
  • https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/pack_vehicules_connectes_web.pdf
Publié dans Internet / Numérique : Actualités | Tag(s) : automatisation, CNIL, conduite autonome, cyberattaques, Directive 85/374/CEE, données personnelles, régulation, RGPD

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