Autrice : Lisa-Marie Nkoe, Master 2 Droit des communications électroniques
Relecteurs : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Etienne Merle, journaliste
Philippe Mouron, professeur de droit privé, directeur du Master Droit des communications électroniques, Aix-Marseille Université
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
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Dans le cadre d’un partenariat, cet article a également été publié sur le site internet du média Les Surligneurs.
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En juillet 2024, l’influenceuse française Océane Amsler a lancé sa marque de vin blanc pétillant en canette “Maison Bagarre”. Cette promotion a suscité de vives réactions et des critiques concernant la légalité de ses pratiques publicitaires, notamment en raison des restrictions entourant la publicité pour l’alcool en France.
Attention aux failles de la loi quand l’influence se mêle à la bouteille… En lançant, en juillet dernier, sa marque de vin blanc pétillant en canette, “Maison Bagarre”, la star des réseaux sociaux, Océane Amsler (1,1 million d’abonnés sur Instagram), a créé la polémique.
Une plainte va même être déposée par l’association Addiction France, estimant que la promotion de “Maison Bagarre” ne respecte pas les normes légales encadrant la publicité sur les produits alcoolisés.
Indépendamment de l’issue de cette plainte, l’action en justice de l’association révèle l’enjeu autour de la promotion sur les réseaux sociaux de produits susceptibles de créer une dépendance.
Si l’arsenal législatif français est strict, il a été pensé il y a trente ans et ne prend que peu en compte les publicités sur les réseaux sociaux. Pourtant, elles touchent majoritairement un jeune public.
La loi Évin et la réglementation du marketing d’influence
En France, la publicité pour l’alcool est soumise à des restrictions strictes, établies depuis 1991 par la loi Évin.
Cette loi encadre la promotion des boissons alcoolisées, limitant les contenus publicitaires à des informations factuelles (degré d’alcool, origine, composition) et interdisant toute association avec des valeurs positives, telles que la sociabilité ou la séduction.
Les contenus publicitaires ne peuvent être diffusés que dans des médias restreints, comme la presse écrite ou l’affichage public.
Face à l’essor du marketing d’influence et à son impact croissant, la France a récemment renforcé sa législation avec la loi du 9 juin 2023.
Cette loi impose de nouvelles obligations de transparence aux influenceurs, exigeant que les contenus sponsorisés soient explicitement identifiés comme tels, et que les influenceurs respectent les lois spécifiques aux produits sensibles, tels que le Code de la santé publique pour l’alcool et les produits de santé, ainsi que le Code de la sécurité intérieure pour les jeux d’argent et de hasard.
La responsabilité contractuelle des influenceurs
Le cas de l’alcool n’est pas le seul à soulever des questions de régulation du marketing d’influence, les influenceurs promeuvent également des produits comme les compléments alimentaires, eux aussi soumis à des règles strictes.
Les compléments alimentaires sont réglementés au niveau français, ce qui interdit aux influenceurs de faire des allégations médicales non fondées. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) effectue des contrôles réguliers pour vérifier que les influenceurs ne font pas de fausses promesses de santé (ce qu’on appelle du “charlatanisme”).
Si les règles varient selon les produits, le dénominateur commun reste la protection du consommateur et la prévention de la désinformation.
Les influenceurs, dans le cadre de leurs collaborations, ont des obligations strictes : ils doivent respecter les normes de transparence et de véracité, notamment en signalant les partenariats et en diffusant des informations exactes sur les produits.
En cas de non-respect, non seulement l’influenceur peut être poursuivi pénalement et condamné pour avoir trompé son public, mais l’entreprise sponsor avec laquelle il a signé un contrat de promotion peut se retourner contre lui.
En effet, en omettant de signaler que ses contenus sont sponsorisés, ou en lançant des affirmations fausses sur les vertus d’un produit, l’influenceur nuit aussi à son sponsor, et ne respecte donc pas le contrat qui les lie.
Vers une réglementation plus adaptée ?
L’affaire “Maison Bagarre” souligne les défis auxquels fait face la réglementation des pratiques commerciales sur les réseaux sociaux, en particulier pour des produits sensibles comme l’alcool.
Bien que la loi Évin et les récentes mesures législatives tentent d’encadrer ce secteur, les cas litigieux montrent la nécessité d’adapter les lois actuelles à l’évolution rapide du marketing numérique.
Message qui semble avoir été reçu par des parlementaires. Les députés Arthur Delaporte (PS) et Stéphane Vojetta (EPR) projettent d’intervenir avec une nouvelle proposition de loi sur l’influence commerciale. L’objectif est de “protéger davantage les mineurs de contenus promouvant les boissons alcoolisées sur les réseaux sociaux”, a détaillé aux Surligneurs le député EPR. Maintenant que le vin est tiré, reste à le boire.