Mercredi 26 octobre 2011, Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication a présenté, devant le Conseil des ministres, un projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée (RCP). Si ce projet, qui modifie substantiellement le régime de la « taxe copie privée », contente les ayant droits il réveille cependant la gronde des industriels.
Autre bouleversement majeur, un député a déposé mi-octobre un amendement à la loi de finances pour 2012, transformant la RCP en une véritable taxe fiscale.
La rémunération pour copie privée est un mécanisme légal institué par la loi Lang du 3 juillet 1985, modifiée par la loi du 17 juin 2001 (désormais, tous les auteurs bénéficient de cette rémunération). Codifiée dans le CPI en ses articles L311-1 et suivants, cette pratique a fait l’objet d’une généralisation européenne avec une directive en date du 22 mai 2011.
La RCP, rémunération légale forfaitaire, a pour objectif premier de compenser les pertes liées à l’ère du numérique, aux nouvelles technologies d’enregistrement, qui sont subies par les auteurs et les sociétés d’ayants droit. Elle est payée par le consommateur lors de l’achat de supports de stockage. Elle est encadrée par une commission administrative ad hoc, la Commission copie privée, qui désigne les types de support, les taux de rémunération mais également les modalités de versement de la rémunération. Notamment, la Commission prévoit un système de remboursement (article L 311-8 du CPI) de la rémunération pour différentes personnes comme par exemple les entreprises de communication audiovisuelles.
Les redevances, qui sont reversées aux sociétés de gestion collective, ainsi que le mécanisme de remboursement prévu par la loi sont du ressort de Copie France qui est une société pour la rémunération de la copie privée audiovisuelle.
Le régime de la copie privée serait cependant en passe d’être considérablement modifié.
Aussi, le projet de loi déposé par F. Mitterrand ce 26 octobre est d’ores et déjà sujet à de vives controverses.
En effet, une des mesures phares de ce texte est d’étendre le système de remboursement aux personnes acquérant des supports d’enregistrement dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée. Il s’agit ici des professionnels.
Or, il existe en France un contentieux relatif au non assujettissement des professionnels à la RCP. Ce principe, a été consacré dans un arrêt Padawan du 21 octobre 2010 rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne alors qu’elle répondait à une question préjudicielle. Cette décision a ensuite été confirmée par le Conseil d’Etat le 17 juin 2011 (Canal + distribution et autres).
Toutefois, si ce projet est fort bien accueilli par les ayants-droit qui y voient une meilleure compensation de leur manque à gagner, les professionnels s’y opposent vivement et dénoncent une « pratique opaque ». En effet, ces derniers ne sont pas exonérés de la RCP mais doivent s’enquérir d’une demande de remboursement auprès de Copie France, procédure qu’ils jugent complexe et couteuse.
Le deuxième projet marquant en matière de rémunération pour copie privée, est la récente déposition par le député Lionel Tardy d’un amendement à la loi de finances pour 2012 qui tend à abroger l’article L 321-9 du CPI.
Le CPI impose aux sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur (SPRD) d’utiliser 25% des sommes provenant de la RCP « à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes », les 75% restants revenant directement aux auteurs au titre de l’atteinte à leur droit exclusif.
Or ledit amendement vient remplacer cette rémunération, ces 25%, par une taxe affectée. Ainsi ce serait l’Etat qui jouerait un rôle de levier culturel en percevant, puis en réinvestissant cette somme.
La procédure mise en place n’est pas du goût des SPRD mais le député Tardy se défend en affirmant que la rémunération perçue par ces sociétés ne serait pas toujours réinvestie de manière transparente et opaque. Il rappelle également que les SPDR ne remplissent pas une mission de service public, et qu’il revient à l’Etat de donner l’impulsion nécessaire en matière de politique culturelle.
Aussi, cette taxe pourrait conduire à l’édification d’un Conseil National de la Musique à l’image du Centre National du cinéma et de l’image animée.
A l’aube de 2012 il est donc fort possible que le régime de la rémunération pour copie privée soit profondément modifié, suscitant de vives polémiques. Que se cache derrière ces pratiques présentées comme transparentes ? L’objectif de compenser au mieux les pertes des auteurs et ayants-droit a-t-il réellement vocation a être atteint ?
Quoiqu’il en soit ces questions ne trouveront de réponse qu’une fois les projets validés par l’Assemblée Nationale, ce qui ne saurait tarder.
Sources:
- http://www.la-sofia.org/sofia/Adherents/lang/fr/cpn.jsp
- http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl3875.asp
- http://www.conseil-etat.fr/node.php?articleid=2361
- http://www.cbanque.com/actu/26689/remuneration-sur-copie-privee-les-industriels-denoncent-le-projet-de-loi
- http://www.pcinpact.com/actu/news/66398-copie-privee-sprd-amendement-lionel-tardy-taxe.htm?vc=1
- http://www.pcinpact.com/actu/news/66398-copie-privee-sprd-amendement-lionel-tardy-taxe.htm?vc=1