AL-JAZIRA CONTESTE LES POSITIONS HEGEMONIQUES DE CNN ET NBC.

On connaît déjà la chaîne d’informations Al-Jazira qui a révolutionné la couverture de l’actualité au Moyen-Orient, aujourd’hui son fondateur, l’émir du Quatard, se lance dans un projet médiatique plus ambitieux.

Connue pour avoir transformé l’audiovisuel dans le monde Arabe, mais également pour les vives polémiques qu’elle suscite, la chaîne Arabe se décline désormais dans une version anglophone. Le lancement officiel de la chaîne remonte au 15 novembre dernier, avec un an de retard sur ce qui avait été planifié. Son but est simple : « battre en brèche la suprématie des médias anglo-saxons, CNN et BBC en tête, sur l’information télévisée au niveau planétaire » et ainsi « donner la parole à l’hémisphère sud dans un univers médiatique injustement dominé par le Nord riche ».

Afin de mieux cerner ce nouvel arrivant, il faut se pencher sur quelques données : 800 journalistes et techniciens de 55 nationalités composent l’équipe d’Al- Jazira International, le budget exact est tenu secret, mais il a été estimé à 100 millions de dollars. La chaîne dispose avec sa société mère d’une soixantaine de bureaux dans le monde. Elle a récemment estimé son audience de départ à plus de 80 millions de foyers.

C’est dire si la nouvelle version n’est pas sans importance ! Elle se veut d’être la « première chaîne anglaise du tiers monde et compte sur la popularité croissante de sa grande sœur dont le nom a été classé au cinquième rang des marques les plus influentes du monde, par Brandchannel.com ».

La chaîne affiche la volonté de se différencier de la version arabe et souhaite démystifier son aînée en Occident, « d’abord célébrée pour sa liberté de ton puis diabolisée à partir du 11 septembre 2001 ».
A ce sujet, il semble qu’elle ait décidé de changer de politique. D’une part, le principe est celui de la liberté éditoriale dans les émissions, la chaîne doit être « un média différent avec sa propre ligne éditorial », notons également que le vocabulaire utilisé est un peu plus neutre que celui de sa grande soeur. La chaîne diffuse 24 heures sur 24, sa grille de programmes alterne information en continu avec des débats, des reportages, il est prévu une émission destinée à « éclaircir la force obscur du pouvoir, qu’il soit économique ou politique ». D’autre part, certains professionnels de la BBC présenteront des émissions, ainsi que quelques grands noms du journalisme international, dont l’ancien directeur de l’Associated Press Television News, Nigel Parsons, qui occupe le poste de directeur exécutif. La chaîne s’est donc dotée de vedettes pour entendre asseoir sa crédibilité.

Mais ce lancement n’est pas sans difficultés. Sur le plan interne, selon le directeur, si la version anglaise se distingue trop de l’originale, elle perdra toute légitimité. Cette question fut une des explications du retard pris dans le lancement. Officiellement, les retards successifs seraient dus à des problèmes techniques, mais selon un membre du bureau de la chaîne à Londres, il y aurait « de sérieux malentendus sur les objectifs de la nouvelle chaîne et de réelles tensions entre les directeurs de la programmation arabes et la nouvelle équipe internationale ».

Sur le plan international, la nouvelle chaîne doit respecter les principes occidentaux d’équilibre et d’impartialité. L’esprit d’Al-Jazira International et son rôle dans la famille d’Al-Jazira commencent à soulever des inquiétudes. Certes, la version internationale fait de l’ombre à ses concurrents anglo-saxons car elle permet d’atteindre un autre public qui connaît déjà la chaîne de nom, mais l’association de ces deux chaînes effraye. Son aînée s’est fait connaître en 2001 pour avoir diffusé des vidéos d’Oussama Ben Laden et elle est considérée par certains pays occidentaux, comme la voix des groupes terroristes. C’est pourquoi le directeur général de la chaîne internationale insiste sur le fait qu’elle n’est pas une édition anglaise de son homologue arabe. C’est donc une chaîne différente, mais sachant que les revenus publicitaires ne sont pas prioritaires car elle est financée par l’Emir du Quatard, la question du respect des principes occidentaux reste posée.

Al-Jazira International veut devenir la chaîne de référence pour les anglophones résident en Afrique, au Moyen Orient, en Occident et en Amérique Latine. Mais la chaîne reste virtuellement privée du marché Américain, fermé pour la diffusion par cable, principal moyen de réception des chaînes de télévision aux Etats-Unis. Pendant que les négociations se poursuivent aux Etats-Unis, la BBC, adversaire de taille de la chaîne internationale, contre attaque. Elle a décidé de rentrer dans la compétition. Celle-ci prévoit de lancer en 2007 une chaîne de télévision en langue arabe.

Sources :

Courrier International, N° 837
http://www.english.aljazeera.net

Amélie FORMEY