LES « FORTES INCITATIONS » SUBIES PAR UN JOURNALISTE DU MONDE A NE PAS FAIRE USAGE DE L’ARTICLE 109 DU CODE PÉNAL SUR LE SECRET DES SOURCES.

Le journaliste Guillaume Dasquié a été mis en examen le jeudi 6 décembre pour compromission du secret de la Défense. Il lui est reproché la divulgation de documents non déclassifiés relatifs au terrorisme. En effet, dans son édition datée du 17 avril, le journal Le Monde révèle plusieurs éléments provenant de rapports de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Ceux-ci avertissaient les services de renseignements extérieurs français et leurs homologues américains d’un projet de détournement d’avion américain par Al-Qaïda, huit mois avant les attentats du 11 septembre 2001. Or ces documents étaient classifiés.

Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la défense, avait alors saisi le Garde des Sceaux d’une plainte contre X. L’instruction fut confiée au juge du pôle antiterroriste Philippe Coirre. Celle-ci visa rapidement Guillaume Dasquié, cofondateur du site Internet geopolitique.com, spécialisé dans la publication de documents classifiés. Il est actuellement poursuivi pour “détention et divulgation au public de renseignement ou fichier ayant le caractère d’un secret de la Défense nationale”. Le journaliste risque cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende.
Selon une autre source proche de l’enquête, il est également reproché à Monsieur Dasquié la divulgation d’un document du ministère des Affaires étrangères relatif à l’affaire Borrel (du nom d’un magistrat décédé dans des circonstances non élucidées à Djibouti), également dans un article publié dans Le Monde, daté du 10 juin dernier.

Mercredi 5 décembre, le journaliste fut placé en garde à vue par la direction de la surveillance du territoire (DST). Une perquisition a eu lieu à son domicile, et plusieurs documents en rapport avec l’infraction furent saisis. Il a ensuite été mis sous contrôle judiciaire, avec interdiction d’entrer en contact avec des membres de la DGSE. Une autre personne a été interpellée et mise en examen dans le cadre de cette procédure. Il s’agirait d’un agent de la DGSE dont le nom n’a pas été dévoilé.
Lors de sa garde à vue, les policiers auraient, selon une source proche du dossier, cherché à obtenir les sources du journaliste à l’origine de ces “fuites”. « Je suis bouleversé par la procédure que j’ai vécue, explique Guillaume Dasquié. L’objet de la garde à vue était vraiment de connaître mes sources. Ce sont les risques du métier, mais j’ai été surpris des fortes incitations que j’ai subies de la part de membres du parquet et de la DST pour ne pas faire usage de l’article 109 du code pénal, sur le secret des sources », explique-t-il dans l’édition du Monde daté du 7 décembre 2007. Selon le journaliste, on lui aurait fait comprendre que s’il ne parlait pas, il serait placé en mandat de dépôt.

Le directeur du Monde, Eric Fottorino, a jugé, vendredi et samedi dans les colonnes du quotidien, « grave et choquant » que l’autorité judiciaire ait « contourné le principe de la liberté de la presse » car « Une nouvelle fois, c’est un principe essentiel de la liberté de la presse qui est mis à mal: le respect et la protection des sources des journalistes ».
Selon lui, « l’article 109 du code de procédure pénale est on ne peut plus clair: Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l’origine ».
Il ajoute qu’en 2006, le Garde des Sceaux d’alors, Pascal Clément, « s’était pourtant engagé à inscrire cette règle dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse ».

Reporters sans frontières dénonce d’ores et déjà dans un communiqué les « procédés abusifs » utilisés à l’encontre du journaliste, estimant : qu’on « ne peut pas faire porter la responsabilité de fuites, au sein des services de renseignements ou d’un cabinet d’instruction, à un journaliste qui divulgue des documents méritant, en l’occurrence, d’être portés à la connaissance du public. Guillaume Dasquié a fait son métier. Il ne doit pas être traité ainsi ».
Sources:

Le Monde
Le Nouvel Observateur

Laeticia MIOT