LE DISPOSITIF DE GARANTIE DE L'INDEPENDANCE DES ECHOS SE PRECISE

La question du dispositif à même de garantir l’indépendance des Echos a été l’un des pricipaux points de discorde dans le conflit qui a opposé, pendant six mois, les journalistes du quotidien et le nouveau propriétaire, le milliardaire, président du groupe de luxe LVMH, Bernard Arnault. Alors que les journalistes proposaient un système dans lequel la Société des journalistes (SDJ) avait un pouvoir très important, aboutissant en quelque sorte, à une « cogestion » du journal, Arnault et le groupe Pearson, l’ancien propriétaire, étaient davantage partisans d’un système inspiré des board of trustees anglo-saxons. Ce modèle, notamment en vigueur au sein du journal The Economist ou de l’agence Reuters, suppose la présence d’administrateurs indépendants au sein du Conseil de surveillance, l’assentiment de ces administrateurs étant indispensable pour l’adoption de certaines décisions, comme la nomination du directeur de la rédaction.
Finalement, le système aujourd’hui en vigueur va dans le sens des premières propositions émises par Bernard Arnault. Ainsi, le conseil de surveillance comporte onze membres, nommés pour une durée de trois ans parmi lesquels trois administrateurs indépendants ainsi que le directeur de la rédaction des Échos, membre de droit. Les administrateurs indépendant sont nommés par LVMH, au sein d’une liste de noms arrêtée conjointement par un comité comprenant, à nombre égal, des représentants de LVMH et de la (SDJ). L’administrateur indépendant n’est révocable par l’actionnaire qu’en raison d’un acte ou d’un comportement incompatible avec ses fonctions ou avec l’accord préalable des deux autres. Chacun d’eux doit décrire, chaque année, dans un registre, les relations qu’il entretient avec LVMH, le registre étant consultable par tous. Deux des trois administrateurs indépendants doivent donner leur accord pour la nomination du directeur de la rédaction, les journalistes disposant également d’un droit de veto. Une charte éthique devra être édictée et respectée par le conseil de surveillance. Est également mis en place un comité d’indépendance éditoriale qui doit permettre à tout journaliste de formuler ses éventuels griefs à l’encontre des actionnaires ou du propriétaire des Échos, ayant exercés un pouvoir réel d’influence pour empêcher ou décourager les personnes concernées de rédiger un article, ou pour en modifier le contenu. Il est composé de deux membres du conseil de surveillance représentant LVMH, de deux administrateurs indépendants et de deux personnes nommées par la SDJ. Il doit jouer un rôle d’arbitre dans les conflits entre les journalistes et l’actionnaire.
C’est fin avril que les administrateurs indépendants ont été nommés. Il s’agit de Nicolas Molfessis, professeur de droit, André Lévy-Lang, ancien patron de Paribas, et d’André Vernholes, ancien journaliste économique au Monde. L’une de leurs premières décisions a été, début mai, la nomination du nouveau directeur de la rédaction. En effet, Erik Izraelewicz, qui occupait ce poste jusqu’à la fin du conflit et qui est aujourd’hui directeur de la rédaction de la Tribune, a été contraint à la démission par le nouveau patron du Groupe Les Echos nommé par Bernard Arnault, Nicolas Beytout. Le Conseil a donc approuvé, à l’unanimité des administrateurs indépendants, la nomination d’Henri Gibier, ancien numéro deux du journal. Henri Gibier a ensuite été confirmé par les journalistes qui ont voté en sa faveur à 78%. Mais, alors que ce vote aurait dû calmer les esprits et achever de mettre un terme au long conflit entre Arnault et la rédaction en prouvant la viabilité du dispositif d’indépendance, l’embauche de Nicolas Barré, comme adjoint d’Henri Gibier, a remis de l’huile sur le feu. La rédaction accuse, en effet, Nicolas Beytout d’avoir lui-même choisi Nicolas Barré, tout deux travaillaient d’ailleurs ensemble au Figaro. Gibier a d’ailleurs reconnu que le choix de son numéro deux ne lui appartenait pas complètement. La rédaction y voit, en tout cas, une violation des règles d’indépendance, et se demande quelle sera, dans ces conditions, la réelle autonomie du nouveau directeur de la rédaction par rapport au propriétaire ?

Sources :
www.lepoint.fr
www.lesechos.fr

Sébastien CAVAILLES