ABUS DE POSITION DOMINANTE DE GOOGLE

La Commission Européenne devrait recevoir dans les jours qui suivent la Federal Trade Commission*(1) pour aborder le cas de Google, accusé d’abus de position dominante, et d’autres affaires similaires selon le Wall Street Journal. Les deux partis européen et américain espèrent faire avancer des dossiers longs et compliqués.

Le président de la FTC : Jonathan Leibowitz devrait rencontrer le commissaire européen chargé de la concurrence : Joaquin Almunia pour discuter du cas de Google qui est toujours en suspend à Bruxelles. Si Google a dejà soumis des propositions pour rectifier le tir en matière de position dominante elles ont été jugées insuffisantes pour l’UE.

La Commission Européenne n’est pas la seule instance à enquêter sur Google : c’est également le cas des Etats-Unis d’où la rencontre entre le président de la FTC et le commissaire européen à la concurrence.

Les faits

Depuis Novembre 2010, Google doit faire face à une enquête menée par les autorités de Bruxelles. Tout dabord, Google est accusé de mettre en avant ses propres services lorsque des internautes recherchent des informations précises, en les mettant systématiquement en tête dans les résultats de recherche (par exemple pour les recherches géographiques, la météo etc.) même si les services concurrents sont meilleurs. Avec une part de marché aussi écrasante que celle de Google en Europe, l’ajout de tels services signe souvent la mort des entreprises qui n’ont pas la puissance de Google pour se mettre en avant, ou les met dans de graves difficultés.

Ensuite, Google est soupçonné de modifier ses algorithmes, non pas spécialement pour améliorer son service, mais pour déclasser des catégories de sites susceptibles de nuire à sa croissance (par exemple les comparateurs de prix qui grignotent sur les budgets AdWords, les sites de voyage,etc). Sous prétexte d’améliorations, Google est capable du jour au lendemain de bouleverser la visibilité de sites internet qui n’ont souvent d’autre choix que de dépendre de leur classement dans les résultats de recherche.

Enfin, la position dominante de Google lui offre le luxe de perdre de l’argent sur des services qui ne pourraient pas vivre de façon indépendante. Dans un arrêt du 31 janvier 2012, le tribunal de commerce de Paris*(2) a donné raison à une entreprise qui avait porté plainte contre Google pour la gratuité de son service Google Maps. Il avait condamné Google parce qu’il avait été démontré que Google créait cette gratuité artificielle pour écarter la concurrence en prévision du développement de services futurs, notamment dans la publicité locale.

Parrallement aux Etats-Unis, la FTC avait commencé ses investigations en avril 2011 pour collecter des données auprès des entreprises du secteur high-tech concernées, et a commencé les auditions sur les pratiques de Google à partir de juin 2012.

Des discussions ont eu lieu entre Google et la FTC portant sur le moteur de recherche et l’utilisation abusive qu’en ferait Google pour privilégier ses produits plutôt que ceux de ses concurrents.

La FTC disposerait de preuves contre Google notamment les accords exclusifs signés par Google pour fournir des services de recherche en ligne, et aussi pour rendre difficile la comparaison de données avec d’autres moteurs de recherche pour les annonceurs.

Une investigation officielle pourrait donc être lancée bientôt si aucun compromis n’est trouvé entre Google et la FTC.

Abus de position dominante : définition

Est prohibée tant en droit américain et en droit communautaire l’exploitation abusive d’une position dominante détenue sur un marché déterminé par une ou plusieurs entreprises entravant ainsi la concurrence. ( L’abus de position dominante est aussi probibé dans notre droit interne par l’article L 420-2 du Code de Commerce, nonobstant nous ne l’évoquerons pas ici dans la mesure où les mesures concernent le droit européen et le droit américain.)

En droit communautaire l’article 102 al. 1 du TFUE sanctionne, « dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d’être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ». L’application de l’article 102 TFUE suppose la réunion de trois conditions cumulatives : l’affectation du commerce entre les Etats membres, l’identification de la position dominante sur le Marché commun et l’exploitation abusive de cette position dominante.

La constitution d’une position dominante n’est pas en soi entachée d’illicéité (CJCE 15 juin 1976); c’est son exploitation abusive qui l’est. Le comportement d’une entreprise est abusif, dès lors qu’elle fait obstacle au maintien de la concurrence « par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale de produits ou services » (CJCE 13 févr. 1979, Hoffman-La-Roche). Peuvent notamment être constitutifs d’abus, l’imposition de prix d’achat ou de vente, la limitation de la production, des débouchés, du développement technique, l’utilisation de pratiques discriminatoires à l’égard des partenaires commerciaux, la pratique des prix prédateurs, l’exercice abusif d’un droit de propriété intellectuelle….

Le droit communautaire n’octroie aucune exemption à l’égard des entreprises condamnables au titre d’un abus de position dominante.

En droit américain, c’est la section 2 du Sherman act du 2 juillet 1890 qui prohibe toute situation de monopole, toute tentative de création d’un monopole et tout accord ou entente tendant à monopoliser une partie quelconque des échanges ou du commerce entre les différents Etats de l’Union ou avec les pays étrangers.

Les sanctions envisageables à l’égard de Google

Avant de parler de sanctions il faut parler de compromis. En effet un compromis est toujours possible entre la Commission européenne, la FTC et Google.

Par ailleurs, les situations étant similaires aux Etats-Unis et en Europe, une harmonisation des deux dossiers pourrait pousser Google à de semblables compromissions dans les deux contrées.

Si aucun accord n’est trouvé, Google pourrait s’exposer à d’éventuelles poursuites du judiciaire adjointes à des sanctions.

*1 La Federal Trade Commission (FTC) est une agence indépendante du gouvernement des Etats-Unis, créée en 1914. Sa mission principale est l’application du droit de la consommation et le contrôle des pratiques commerciales anticoncurrentielle tels que les monopoles déloyaux. Elle travaille avec le Department of Justice qui lui est une agence gouvernementale. Elle ne peut introduire d’instances pénales mais son pouvoir est très étendu.

*2 Arrêt Bottin Cartographes c/ Google France du Tribunal de commerce de paris en date du 31 Janvier 2012. Dans cet arrêt, Google avait été condamné pour abus de position dominante.

SOURCES :

AGOSTINI ( L.) « Google aux prises avec les lois anti-trusts aux USA »,  mis en ligne le 13/11/2012, consulté le 6 décembre 2012, www.missions-marketing.fr/blog/online/google-aux-prises-avec-les-lois-anti-trusts-aux-usa.html

CHAMPEAU (G.), « Google condamné en France : une très bonne décison ! », Numérama.fr, mis en ligne le 1er février 2012, consulté le 6 décembre 2012

www.numerama.com/magazine/21483-google-condamne-en-france-une-tres-bonne-decision.html

COMBE ( E.), « Economie de la concurrence », Précis Dalloz

KENDALL (B.), MOCK (V.) et CATAN (T.) « U.S., Europe to Huddle on Google Probes », The Wall Street Journal, mis en ligne le 29 novembre 2012, consulté le 5 décembre 2012,

www.online.wsj.com/article_email/SB10001424127887324020804578149621424956526-lMyQjAxMTAyMDIwOTEyNDkyWj.html

ŒILLET (A.), «  Abus de position dominante de Google : rencontre programmée entre l’UE et la FTC », mis en ligne le 3 décembre 2012, clubic.com,

http://www.clubic.com/internet/google/actualite-528455-antitrust-rencontre-programmee-ue-google.html

RODA(.) Cours de Master 1 de Droit des Affaires années 2011-2012