La question d’une régulation administrative de l’internet, est une préoccupation constante au sein du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA). Il souhaite à cet effet se positionner en tant que régulateur du réseau internet. Le conseil a pris conscience, de l’évolution des usages mais également du fait que les contenus en ligne et les programmes télévisuels vont être amenés à coexister. C’est pour ces raisons, qu’il souhaitait se voir attribuer de nouvelles prérogatives en matière de régulation de l’espace internet. C’est désormais chose faite puisque la loi du 1er février 2012″sur l’éthique du sport et les droits des sportifs”, prévoit des dispositions confiant pour la première fois au CSA, le pouvoir de réguler des contenus sur internet.
À cette occasion, le CSA avait annoncé sa volonté d’établir une consultation publique relative à la détermination des conditions de diffusion de brefs extraits de compétitions sportives par un service de communication au public par voie électronique.
En effet, celle ci a vocation à définir la durée des extraits qui pourront être rediffusés, le nombre de fois où ils pourront l’être ainsi que le cadre de diffusion et ceci de manière gratuite. Concernant ce cadre de diffusion, il convenait donc de déterminer si ces extraits pouvaient être repris uniquement pour les journaux télévisuels, au regard du droit à l’information ou encore sur internet, au sein d’espaces de lecture de vidéos.
Le CSA souhaitait donc promouvoir un régime rénové, prévoyant les modalités d’exercice du droit de l’information sportive dans un contexte technologique et concurrentiel extrêmement complexe.
Il avait donc été établi à l’issu de cette consultation, que l’internet serait concerné par la question de ces rediffusions gratuites.
Cependant, même si de manière globale, les acteurs de l’internet semblaient pouvoir bénéficier de cet avantage, les pressions venant tant des chaînes payantes que des organisations sportives, étant telles, que le projet visant à permettre une rediffusion des extraits de rencontres sportives en toute gratuité, n’a pu aboutir. Focus donc sur les solutions retenues en matière de télévision et sur les raisons du retour en arrière du CSA en matière d’internet.
Une réglementation en matière de rediffusion des extraits de rencontres sportives rénovée, pour un droit pour tous à l’information
C’est suite à la consultation publique, que le conseil avait notifié à la Commission européenne un projet de délibération relative aux conditions de diffusion de brefs extraits de compétitions sportives et d’événements autres que sportifs d’un grand intérêt pour le public.
En effet, bien que les dispositions de l’article L. 333-7 du code du sport définissent depuis 1992 un cadre général pour le droit aux brefs extraits de compétitions sportives, qui doit :
- Être ouvert à tout service de communication au public par voie électronique;
- Permettre au public d’accéder, au moins dans des émissions d’information, aux faits marquants des évènements sportifs en images ;
- Pouvoir être exploité à titre gratuit.
Le conseil souhaitait revoir les modalités du droit à l’information sportive afin de répondre aux nouvelles exigences du secteur de l’audiovisuel.
En effet, le conseil soulignait la nécessité d’empêcher les détenteurs de droits exclusifs de s’opposer à la diffusion gratuite des brefs extraits sportifs, notamment au regard du droit du public à l’information et dans le cas où certaines conditions seraient remplies, notamment si :
- La diffusion des extraits a lieu après la première diffusion du programme du service détenteur des droits exclusifs au sein duquel sont prélevés ces extraits ;
- L’identification du service détenteur des droits exclusifs des images prélevées est clairement assurée lors de la diffusion de chaque extrait, pendant une durée minimale de cinq secondes.
Étant à préciser que seuls les programmes d’information (journaux télévisés et les bulletins d’information réguliers, les magazines sportifs ou d’information générale), pourraient inclure de manière gratuite des brefs extraits dans leurs émissions.
La Commission européenne se devait donc de se prononcer sur ce projet, devant juger de la compatibilité de cette délibération avec la directive « Services médias audiovisuels » (SMA) du 10 mars 2010. Cependant, de nombreuses voies se sont élevées face à ses considérations.
Il ne faut pas « Minorer la valeur des droits, au détriment de l’équilibre économique des organisateurs de compétitions sportives », tels sont les propos du ministère des Sports, souhaitant que le CSA reconsidère ces propositions en matière de diffusion gratuite des brefs extraits sportifs à la télévision ainsi que sur internet.
C’est notamment la question de la gratuité de cette rediffusion qui a fait l’objet de débats houleux.
En effet, les chaînes de télévision payantes ainsi que les ligues de football, voyaient d’un très mauvais œil, la possibilité donnée à des chaînes d’information ou encore à des sites internet de rediffuser quelques extraits de rencontres sportives passées, de manière gratuite.
Certaines chaînes de télévision supportent de coûts considérables, pour pouvoir retransmettre diverses compétitions sportives. Ainsi, ces dernières envisagent cette possibilité de retransmission gratuite, même si cela ne concerne que des extraits, comme une menace pour leur propre économie.
Ainsi pourquoi les utilisateurs souhaiteraient ils s’abonner à des chaînes payantes, alors que les extraits diffusés par ces dernières peuvent être visionnés partout. Ces chaînes ne bénéficieraient donc pas d’un service particulier et perdraient donc quelque peu l’avantage comparatif détenu.
La Commission Européenne, sollicité par le CSA, sur sa délibération, avait clairement affirmé que cette dernière « aurait un impact sur la chaîne de financement du sport en France », si le conseil envisageait concevoir de manière trop large les « extraits sportifs ».
Malgré les vives contestations, le gouvernement a souhaité maintenir les dispositions concernant la télévision.
Le cadre étant posé, pour les chaînes de télévision, la question de la régulation de l’internet en la matière, semblait faire l’objet de vives contestations.
Les acteurs de l’internet ne pourront finalement pas bénéficier de la gratuité de la rediffusion des extraits sportifs
Comme nous l’avons précédemment évoqué en matière de rediffusions sportives, les enjeux économiques sont considérables. La chaîne Al Jazeera, a dépensé 61 millions d’euros pour la diffusion de 133 matchs de football sur BeIN sport en 2012, le prix des droits de diffusion est astronomique. C’est pour cette raison notamment que le projet du CSA visant à étendre la gratuité de la diffusion aux acteurs de l’internet, n’a pu aboutir.
Car craignant pour l’économie même du marché des droits de rediffusion sportives, les chaînes de télévision payantes ainsi que les ligues de football, ont fait pression sur le gouvernement afin, de faire reculer le CSA, quant à sa volonté d’étendre la gratuité de diffusion des extraits sportifs à la télévision et sur internet.
Si la mesure concernant la télévision a été maintenue par le gouvernement, cela ne sera pas le cas pour l’espace internet qui sera soumis à une limitation.
La loi permet donc uniquement cette rediffusion gratuite aux chaînes de télévision et à leurs services de rattrapage (« Catch up TV »), qui permettent de revoir les programmes, cependant sur ces services les extraits ne pourront être visibles que pendant quelques jours.
D’un point de vue des principaux intéressés, les internautes, ces derniers pourront néanmoins librement visionner des extraits sur les plateformes de partage de vidéos amateurs de manière totalement gratuite.
Sources
SCHMITT ( F.), « Les acteurs de l’Internet n’auront pas droit à une gratuité des extraits sportifs », Lesechos.fr, mis en ligne le 17 janvier 2013, consulté le 18 janvier 2013, disponible sur : http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0202504068518-les-acteurs-de-l-internet-n-auront-pas-droit-a-une-gratuite-des-extraits-sportifs-529409.php
BERRETTA (E.), « Extraits sportifs : le CSA resserre le droit à l’info», Lepoint.fr, mis en ligne le 16 janvier 2013, consulté le 20 janvier 2013, disponible sur : http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/emmanuel-berretta/extraits-sportifs-le-csa-resserre-le-droit-a-l-info-16-01-2013-1615461_52.php
SCHMITT (F.), PALERSE (C.), « Les extraits sportifs à la télé restent très encadrés », Lesechos.fr, mis en ligne le 11 janvier, consulté le 20 janvier, disponible sur : http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0202492219034-les-extraits-sportifs-a-la-tele-restent-tres-encadres-527554.php
BENAYOUN (A.), « Pas d’extraits sportifs pour les sites internet », « Degroupnews.com, mis en ligne le 18 janvier 2013, consulté le 20 janvier 2013, disponible sur : http://www.degroupnews.com/actualite/n8319-audiovisuel-television-diffusion-sport-internet.html
Consultation publique relative à la détermination des conditions de diffusion de brefs extraits de compétitions sportives par un service de communication au public par voie électronique, disponible sur : http://www.Csa.fr
Loi n° 2012-158 du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, Legifrance.gouv.fr, disponible sur :http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025269948