A la fin de l’année 2014, le Parlement Européen a émis l’entreprise d’une réforme des droits d’auteur, et en particulier une révision de la directive n° 2001/29 du 22 mai 2001 visant « l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information ». La première étape a été de confier l’élaboration d’un rapport à la députée européenne allemande du parti Pirate, Julia Réda.
La volonté de l’eurodéputée Julia Réda, pour une réforme des droits d’auteur.
Julia Réda considère « les règles applicables aux droits d’auteur européens (…) inadaptées à l’augmentation des échanges culturels transfrontaliers sur le web ». Elle reproche à la directive du 22 mai 2011 d’offrir une protection seulement minimale aux auteurs, et de ne pas former « pas une norme ». Des faits qui, selon elle, se traduisent par un manque d’harmonisation des droits d’auteur dans l’ensemble de l’Union Européenne. Par conséquent les auteurs et artistes interprètes ne possèdent pas, à l’heure actuelle, les mêmes droits, ni les mêmes protections, entrainant alors déséquilibre, inégalité et insécurité. A titre d’exemple, en Allemagne et en Espagne il existe d’avantage de droits voisins que la plupart des Etats membres.
La volonté de l’eurodéputée Réda paraît, être de rendre plus effective la directive de 2001 et la protection des droits d’auteur et droits voisins, en instaurant la même norme pour tous les Etats membres. En somme, l’eurodéputée souhaite promouvoir la diversité culturelle et garantir son accès pour les citoyens, de même qu’une certaine sécurité juridique dans ce qu’ils entreprennent.
Julia Réda expose que pour arriver à un tel résultat, il convient, tout d’abord d’harmoniser les droits d’auteur dans l’Union européenne à commencer par rendre obligatoire les exceptions, et certaines dispositions, présentes dans la directive n°2001/29. Cette directive selon l’eurodéputée, n’est pas « une norme » et par conséquent donne lieu a des interprétations et applications parfois diverses selon les Etats membres. Une réalité qui a pour conséquences des insécurités pour les principaux concernés par les droits d’auteurs et droits voisins mais également pour les utilisateurs finals, internautes.
Par ce rapport préparatoire, Julia Réda souhaitait notamment accroître l’innovation, la création par l’instauration, notamment, de l’exception de la courte citation audiovisuelle, l’admission des œuvres transformatives, la reconnaissance d’une liberté de panorama. Toujours dans un esprit d’harmonisation, elle proposait la création d’une norme ouverte, de manière à être en accord avec les évolutions technologiques futures, et l’instauration d’un titre européen unique de droit d’auteur – contesté plus tard – afin de faciliter les échanges transfrontaliers, assurer une meilleure protection des droits des ayants-droits et les activités des utilisateurs finals.
Le rapport initial de Julia Réda n’a malheureusement pas fait l’unanimité. En effet, si la proposition de réforme des droits d’auteur de Julia Réda a été suivie par de nombreuses institutions et certains acteurs du secteur culturel, elle fut l’objet d’une myriade de controverses, et particulièrement en France.
Le rapport initial et son auteur, sous le feu des critiques français.
Au regard de nombreuses critiques, la volonté d’améliorer le sort des auteurs et artistes interprètes, n’est que pure fumée, et « entreprise de démolition », selon l’éminent Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne, Pollaud-Dulian. Ce dernier, estime que le rapport Réda a été inspiré dans un esprit d’hostilité aux droits d’auteur et qu’il prône les seuls intérêts des utilisateurs finals sur internet au détriment des seuls titulaires de ces droits, les auteurs, les interprètes et producteurs. Un fait qui méconnait le principe même, du moins en France, des droits d’auteur. Pour preuve, il fait remarquer, dans son écrit « Détruire dit-elle ? : le rapport Réda de la commission juridique du Parlement européen sur le droit d’auteur », que les termes « auteurs » et « artistes interprètes » sont très peu utilisés par l’eurodéputée Pirate, et qu’elle ne propose aucune amélioration aux droits d’auteur. Dans le troisième paragraphe (1.3) de son rapport Julia Réda semble inviter le législateur européen à renforcer les droits d’auteurs en soulignant les inégalités entre les titulaires de ces droits et les intermédiaires dans les conclusions de contrat. Les titulaires ne possèdent pas les mêmes facultés de négociations ce qui leur pose des désagréments, en cette ère numérique.
Par opposition à cette volonté d’aller en faveur des auteurs, artistes, l’eurodéputée souhaite rendre l’application, des exceptions de la directive du 22 mai 2001, obligatoire ainsi que celles qu’elle souhaiterait imposer, comme l’exception de citation audiovisuelle, la liberté de panorama, entrainant le retrait des droits des architectes sur les œuvres situées au sein de lieux publics.
Par ailleurs, reconnaître les œuvres transformatives serait, selon Frédéric Pollaud-Dulian, une attaque directe au droit exclusif des auteurs, leur permettant d’autoriser ou non l’adaptation ou transformation de leurs œuvres. Une idée malheureusement qui avait déjà été soulevée par le rapport Gowers paru en 2006, au Royaume-Uni. En somme il considère que le rapport Réda ferait des exceptions le droit exclusif et le droit exclusif les exceptions, traduisant son sentiment « d’entreprise de démolition ». Peut on vraiment le contredire, au regard de ce rapport préparatoire initial ? D’autant plus quand on est fervent des droits d’auteur, et inquiet de la situation actuelle des auteurs, artistes, artistes-interprètes.
Enfin Frédéric Pollaud-Dulian regrettait un tel projet de révision de la directive de 2001 alors que plusieurs points auraient mérités attention, telle que l’irresponsabilité des prestataires de services d’internet prospérant en partie au désavantage des titulaires et ayant-droits de droits d’auteur.
Toutefois, le professeur est loin d’avoir été le seul à aller à l’encontre de ce rapport préparatoire. Parmi les nombreuses critiques qui ont fusées, figurent celles du député européen français, Jean-Marie Cavada, parfois connu pour ses propos virulents. L’un des ses plus importants reproches à Julia Réda, est celui d’avoir totalement occulté l’objectif initial, celui d’évaluer la directive de 2001, d’améliorer la protection des titulaires des droits d’auteur et droits voisins. Il lui reproche également de passer le droit d’auteur à la « moulinette des GAFA qui semblent se profiler, et encore je ne vous soupçonne pas de l’avoir fait volontairement, derrière les fournisseurs d’accès ».
Alors que Frédéric Pollaud-Dulian s’était seulement attaqué, indirectement à Julia Réda en faisant valoir son incompréhension, face au choix de prendre une députée du parti pirate, par essence contre les droits d’auteur, pour réaliser ce travail, Jean-Claude Cavada, s’en prend directement à la personne. Il lui fait comprendre que par ce rapport elle détruisait la « grande valeur culturelle » des Etats membres au profit d’une harmonisation « aveugle ».
Pour résumer le député européen français, considère le projet de rapport Réda, comme n’apportant ni une évaluation ni une analyse pertinente de la directive 2001/29/CE, visant « l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information ».
Les critiques sur le travail de Julia auront donc parfois été rudes et brutales. La question est de savoir comment a évolué ce premier rapport.
L’état des lieux du rapport Réda
Le rapport Réda a été adopté par le Parlement Européen en assemblée plénière, le 9 juillet 2015 mais pas sans de nombreux amendements. L’eurodéputé français, Jean-Claude Cavada considère l’actuel rapport comme une victoire pour les artistes, pour la défense des valeurs des créateurs.
En effet, si sur les 550 amendements soumis, beaucoup ont été rejetés, tel que celui d’initiative allemande, de créer des droits voisins pour les éditeurs de presse, certaines propositions de l’eurodéputée pirate, n’ont pu faire l’objet de compromis.
C’est ainsi, que la demande du rapport de rendre obligatoire toutes les exceptions sur l’ensemble des territoires des Etats membres, n’a pas trouvée de majorité parlementaire. Une norme ouverte ne sera par conséquent, pas d’actualité. Les français Pollaud-Dulian et Jean-Claude Cavada, fervents défenseurs ne peuvent que s’en réjouir. Comment le leur reprocher, quand on voit la dure réalité des artistes, auteurs, de nos jours ?
La réduction de la durée de la protection offerte par les droits d’auteur, ne verra, heureusement, pas le jour, seule la suppression des extensions a été admise. Ainsi en France les trente ans supplémentaires pour les héros de guerre devraient être bannis du droit exclusif.
Concernant la liberté de panorama, celle-ci a été plusieurs fois débattue, il était question de la restreindre, mais à l’heure actuelle, le Parlement a décidé, suite aux revendications de l’eurodéputée pirate allemande, de laisser libre la prise de photographies, vidéos de monument dans des lieux publics.
En revanche Julia Réda est parvenue à essuyer plusieurs amendements comme celui déposé par le Parti populaire européen et le groupe des Conservateurs et Réformistes européens, qui conduisait à soumettre une nouvelle fois à la protection des droits d’auteur, les œuvres figurant au domaine public et devenant numériques. L’œuvre reste la même, elle change seulement de support, elle appartient donc toujours au domaine public. L’article L112-2 du code de la propriété intellectuelle, protège l’œuvre et non le support, les deux étant indépendants l’un de l’autre.
Toutefois, il est indispensable de garder à l’esprit, que ce rapport adopté par le Parlement européen, n’est qu’une première étape à la réforme des droits d’auteur. Il convient de demeurer dans l’expectative de la proposition de la Commission Européen, d’ici la fin de l’année, afin parvenir à la réforme des droits d’auteur de l’Union Européenne adaptés à l’ère numérique. Des institutions telle que la Société des Gens de Lettres restent tout de même inquiètes sur quelques aspects, comme la possibilité pour les bibliothèques de prêter des livres par voie numérique.
SOURCES :
REDA (J.), « Le rapport Réda est adopté : un tournant dans le débat sur les droits d’auteur », consulté le 13 octobre <https://juliareda.eu/2015/06/le-rapport-reda-est-adopte-un-tournant-dans-le-debat-sur-le-droit-dauteur/>
POLLAUD-DULIAN (F.), «Détruire dit-elle : le rapport Réda de la commission juridique du Parlement européen sur le droit d’auteur », consulté le 13 octobre, <http://www.dalloz.fr.lama.univ-amu.fr/documentation/Document?id=RECUEIL/CHRON/2015/>
REES (M.), «Droit d’auteur : Jean-Claude Cavada flingue le rapport Réda», consulté le 15 octobre, <http://www.nextinpact.com/news/93201-droit-d-auteur-jean-marie-cavada-flingue-rapport-reda.htm>
REDA (J.) «Le rapport Réda expliqué», consulté le 15 octobre, <https://juliareda.eu/le-rapport-reda-explique/>