Le Metropolitan Museum of Art (MET), situé sur la célèbre Fifth Avenue à New York, a annoncé que les images numérisées de sa collection, tombées dans le domaine public, peuvent être téléchargées librement à partir de son site internet. Elles sont désormais réutilisables librement et gratuitement en haute définition grâce à l’utilisation de la licence Creative Commons Zero. Ainsi, les photographies concernées sont disponibles pour tous les usages, y compris les usages commerciaux. Le MET, dans son communiqué de presse, a également annoncé de nombreux partenariats, notamment avec Creative Commons, Wikimedia ou Pinterest afin de promouvoir largement la réutilisation des fichiers numérisés.
La mise en place d’une politique d’accès libre par le MET
En février, le MET a mis en place une politique d’ « open access » pour les fichiers numérisés de ses œuvres d’art. L’open access, ou libre accès en français, est la mise à disposition en ligne de contenus numériques. Ces derniers peuvent être libres de réutilisation ou bien protégés pour les droits de propriété intellectuelle. Il convient de distinguer le libre accès entendu comme « libre open access » et l’accès ouvert que l’on nomme le « gratis open access ».
Cette différenciation est importante car elle a des conséquences sur la réutilisation possible des images numérisées. Sous « gratis open access », entendu comme accès ouvert, vous pouvez accéder de manière gratuite à l’image. Avec le « libre open access » vous pouvez accéder de manière gratuite et libre aux fichiers car, ces derniers sont rendus réutilisables par la mise en place d’une licence de creative commons. Le fichier numérisé en libre open access peut être rapproché de la notion anglaise « free » c’est-à-dire que le fichier recouvre une signification binaire : il est à la fois libre et gratuit.
Le MET a choisi de diffuser ses fichiers numériques sous la licence Creative Commons Zero (CC0). Une licence, au sens général, est un contrat définissant les droits d’utilisation ou d’exploitation accordés à un tiers (le licencié) par les ayants droits (le cédant) d’une oeuvre protégée par des droits de propriété intellectuelle. Une licence CC0 est une licence libre Creative Commons qui permet au titulaire de droits d’auteur de « dédier » l’oeuvre au domaine public. Il renonce à son droit d’auteur, droit voisin afin de permettre les copies, les modifications, les distributions et représentations de l’oeuvre, y compris à des fins commerciales sans que nous ayons à demander l’autorisation.
Le choix de la licence Creative Commons Zero
Le recours à la licence CC0 a soulevé quelques discussions. Le site américain Techdirt a fait part de son désaccord primaire de l’utilisation de cette licence CC0. En effet, il propose le recours au Public Domain Mark. La différence entre la licence CC0 et le Public Domain Mark peut être expliquée rapidement de la manière suivante :
– Avec licence CC0, vous renoncez de manière complète aux droits d’auteur dont vous disposez sur votre œuvre, de manière à ne pas entraver la réutilisation de quelque manière que ce soit. Ainsi, le recours à cette licence permet symboliquement et volontairement de placer l’image de l’oeuvre numérisée dans le domaine public.
– Le Public Domain Mark quant à lui, permet à une institution de « certifier » qu’une reproduction d’oeuvre appartient au domaine public. Il ne s’appuie en aucun cas sur un droit préexistant, il n’y a donc pas de renonciation de l’auteur. Ainsi, le MET aurait simplement pris acte de l’appartenance du fichier numérisé au domaine public, il n’y aurait aucune cession de droits.
Cette dualité met en lumière les différents problèmes juridiques auxquels les musées sont confrontés lorsqu’ils souhaitent reproduire une oeuvre du domaine public. Il convient de tempérer cette vision car, aux États-Unis, la situation juridique apparaît plus simple qu’en Europe où « le domaine public peut être neutralisé de nombreuses façons [1] ». L’auteur de cet article relève jusqu’à « huit couches » de droits mettant à mal la reproduction d’une oeuvre du domaine public. L’utilisation de la Public Domain Mark semble insuffisante car, elle affirme simplement que l’oeuvre reproduite appartient au domaine public sans se préoccuper des autres droits qui peuvent potentiellement faire obstacle à la reproduction.
Cette dualité entre les deux a amené le Techdirt, a déclaré que « le Met [aurait théoriquement dû utiliser la Public Domain Mark], mais on peut comprendre qu’ils aient choisi de ne pas le faire : le statut du domaine public est en effet tellement faible et vulnérable qu’on peut difficilement s’y référer en toute confiance et la licence CC0 est actuellement un moyen plus puissant de s’assurer que personne n’essaiera d’exercer un contrôle sur ces fichiers dans le futur ».
En réalité, ce qui est soulevé ici est le « copyfraud ». Selon la définition proposée par Jason Mazzone, professeur de Droit à la Brooklyn Law School, un copyfraud est une « fausse déclaration de possession de droit d’auteur faite dans le but d’acquérir le contrôle d’une oeuvre quelconque ». Selon le professeur Mazzone, il existe quatre types de copyfraud, dont le fait de déclarer posséder des droits d’auteur sur du matériel du domaine public. En utilisant la licence CC0, le musée énonce clairement qu’il ne revendiquera aucun copyright sur les images numérisées.
Ainsi, nous comprenons que par cette licence, le musée renonce de façon pleine et entière à exercer un quelconque droit sur les images numérisées sauf dans les conditions exposées expressément par ladite licence, c’est-à-dire pour le droit des marques et des brevets. De la même manière, il convient de respecter les droits moraux qui ont un caractère perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Ces droits comprennent bien sur la paternité, la divulgation, le repentir ou le retrait et le respect de l’oeuvre. La licence CC0 est donc la licence permissive car elle rapproche les fichiers numérisés au plus près du domaine public.
L’open access en faveur de l’éducation du plus grand nombre
La politique en open access du MET n’est pas une première. D’autres musées comme le Getty Museum, le Los Angeles County Muséum of Art, la National Gallery of Art de Washington etc … avaient eux aussi décidé de rendre accessibles et réutilisables les oeuvres d’art de leur collection. Déjà en 2014, le MET avait permis l’accès à 400 000 images d’oeuvres d’art en haute résolution mais uniquement à des fins scolaires ou de recherche et surtout, il était impossible de les exploiter commercialement. En ce début d’année, le MET a mis en « open access » quelques 375 000 images ! En réalité ici, c’est l’ampleur de la contribution qui doit être soulignée car, c’est la plus grande contribution faite par un musée à ce jour !
En se rendant sur leur site web, nous pouvons télécharger des oeuvres de Klimt, Monet, Manet ou encore Renoir. La licence CC0 permet également d’obtenir toutes les informations relatives au titre de l’oeuvre, le nom de l’artiste, la date, le support ou encore les dimensions. Nous pouvons donc télécharger, partager, modifier et distribuer les données à n’importe quelle fin, y compris l’utilisation commerciale et non commerciale, gratuitement et surtout sans avoir à demander l’autorisation du musée. Les données sont disponibles sur le site internet GitHub.com. Il est mis à jour hebdomadairement.
Le directeur du musée, Thomas Campbell a affirmé que « [ la ] mission principale [ du musée ] est d’être ouvert et accessible à tous ceux qui souhaitent étudier et apprécier les œuvres d’art dont [il a] la charge. Améliorer l’accès à la collection du musée répond aux intérêts et aux besoins de notre public du XXIe siècle en offrant de nouvelles ressources à la créativité, aux connaissances et aux idées ».
SOURCES
ANONYME, « The Met Makes Its Images of Public-Domain Artworks Freely Available through New Open Access Policy », metmususeum.org, mis en ligne le 7 février 2017, consulté le 16 février 2016, http://metmuseum.org/press/news/2017/open-access
BARONE (J.), « Met Museum Makes 375,000 Images Free », nytimes.com, mis en ligne le 7 février 2017, consulté le 16 février 2017, https://www.nytimes.com/2017/02/07/arts/design/met-museum-makes-375000-images-available-for-free.html?_r=0
BEADON (L.), « The Met Goes Public Domain With CC0, But It Shouldn’t Have To », techdirt.com, mis en ligne le 9 février 2017, consulté le 17 février 2017, https://www.techdirt.com/articles/20170208/13005636669/met-goes-public-domain-with-cc0-it-shouldnt-have-to.shtml
BELLET (H.), « Le Metropolitan Museum of Art diffuse 375 000 oeuvres en accès libre », lemonde.fr, mis en ligne le 9 février 2017, consulté le 16 février 2017, http://www.lemonde.fr/arts/article/2017/02/09/le-metropolitan-museum-of-art-diffuse-375-000-uvres-en-acces-libre_5077226_1655012.html
CALIMAQ, « Le choix du Metropolitan Museum et les pathologies du domaine public », scinfolex.com, mis en ligne le 12 février 2017, consulté le 16 février 2017, https://scinfolex.com/2017/02/12/le-choix-du-metropolitan-museum-et-les-pathologies-du-domaine-public/#more-10170
LIPTAK (A.), « The Met has released more than 375,000 images that you can use for free », the verge.com, mis en ligne le 10 février 2017, consulté le 17 février 2017, http://www.theverge.com/2017/2/10/14560044/metropolitan-museum-of-art-photo-library-free-online-creative-commons
RYKNER (D.), « Les images du Metropolitan Museum of Art librement réutilisables », latribunedelart.com, mis en ligne le 7 février 2017, consulté le 16 février 2017, http://www.latribunedelart.com/les-images-du-metropolitan-museum-of-art-librement-reutilisables
[1] CALIMAQ, article « Le choix du Metropolitan Museum et les pathologies du domaine public »