Après une décennie à se battre pour la neutralité du net, les américains s’apprêtent à lui dire finalement au revoir. Ce principe permettant d’accéder à des contenus sur Internet à la même vitesse et au même prix est dans le viseur de l’administration du nouveau président des Etats Unis, Donald Trump. Après une forte protestation, sa disparition pourrait se voir actée lors d’un vote le 14 décembre prochain.
La neutralité du Net est un l’un des principes fondateurs d’Internet, inscrit dans la loi américaine depuis 2015. Basé sur l’égalité numérique, il permet aux utilisateurs d’avoir accès à tous les contenus en ligne, et aux services de communication en ligne de diffuser les données de manière égale. Bien avant sa présidence, Donald Trump se disait déjà défavorable à la neutralité du net. C’est pour cela qu’il n’a pas été surprenant, qu’à peine arrivé au pouvoir, il s’est directement attaqué à la neutralité. Pour cela il a nommé à la tête de l’autorité de régulation des télécommunications américaine, la Federal Communication Commission (FCC), Ajit Varadaraj Pai lui aussi fervent opposant à ce principe. Cette remise en cause relance la bataille infernale qui oppose, depuis une décennie, les fournisseurs d’accès aux utilisateurs d’Internet. En effet cette remise en cause se trouve être favorable économiquement aux fournisseurs d’accès à Internet mais à contrario, l’est moins pour les utilisateurs.
Une remise en cause en faveur des fournisseurs d’accès à Internet
Les principaux fournisseurs d’accès américains voient la disparition de la neutralité comme une véritable aubaine. En effet, l’absence de neutralité donnerait le pouvoir aux FAI en leur permettant de remodeler le web selon leurs propres intérêts. Ces derniers pourraient établir des accords commerciaux avec des services en ligne et ainsi ralentir certains flux pour en accélérer d’autres. Les fournisseurs pourront être amenés à faire monter les enchères entre les services tels que par exemple Netflix, Spotify, Facebook afin qu’ils soient mis en valeur au détriment d’autres services. Le fournisseur d’accès AT&T pratique déjà le « zéro rating », lui permettant de contourner la loi américaine en proposant aux internautes des services gratuits et d’autres payants. On imagine donc que sans la neutralité du net les autres fournisseurs suivront le mouvement et pourront créer des packs afin de faciliter l’accès à certaines données. Pour les FAI tout est une question d’argent, car pour eux la modernité et les évolutions constantes des services leur demandent d’avantage d’investissements dans de meilleures installations.
Par ailleurs, dans le projet du retrait de la neutralité il est envisagé de confier la responsabilité du traitement équitable du trafic web à la Federal Trade Commission, qui dispose d’un pouvoir moins important que la FCC en matière de contrôle de la neutralité. Ceci reviendrait à soumettre les fournisseurs d’accès à un contrôle opéré par une autorité de régulation du marché, ce qui constitue encore un objectif purement commercial.
Face au lobbying des grands FAI, la neutralité du net reste défendue par de nombreux acteurs du web dont notamment des défenseurs des libertés sur Internet tel que l’Electronic Frontier Foundation ainsi que des fournisseurs de services comme Netflix, AirBnb, Amazon, Google et bien autres. Ces derniers ont même participé à la journée de mobilisation en faveur de la neutralité du net, le 12 juillet dernier. Durant cette journée on a pu assister à des manifestations dans les rues à travers les Etats Unis mais aussi des manifestations numériques avec l’apparition de messages ou actions affichés sur plus de 70 000 sites internet. Ce ne sont donc pas que les petits acteurs du web qui contestent cette suppression mais la plupart des acteurs présents sur Internet, car même si les moyens financiers ne leur manquent pas ils se battent pour un Internet libre et non discriminatoire.
L’impact de la disparition de la neutralité du net sur un Internet actuellement libre et non-discriminatoire
La disparition du principe de neutralité du net entrainerait un Internet reposant sur un filtrage des contenus ou l’apparition d’un favoritisme pour certains sites. Les américains se retrouverait avec un Internet à double vitesse, et donc un réseau assez fermé avec un haut et bas débit. Ce serait donc la mise en place de connexions plus ou moins rapides en fonction du contenu et de ce que les internautes ou les sites internet verseront aux FAI. Les citoyens américains craignent donc que les fournisseurs d’accès augmentent leurs tarifs et qu’ils favorisent les personnes qui payent le plus cher, avec un accès plus rapide ou un choix plus diversifié que ceux qui payent un prix moindre. Malheureusement ces craintes semblent fondées, en effet les grands fournisseurs d’accès présents aux Etats Unis ont fait savoir que leur développement tenait des investissements, ceci leur permettant d’augmenter le prix des abonnements.
Il est bien connu que l’innovation du web se fait aux Etats Unis, de ce fait l’absence de ce principe aurait pour conséquence un développement difficile des start-ups du web. De plus on empêcherait la possibilité pour des sites inconnus de s’étendre sans monnayer leur débit, ce qui aurait comme effet de réduire leur impact et de laisser les géants du web reprendre leurs idées.
Les défenseurs de la neutralité affirment qu’elle soutient l’innovation et que la croissance économique est possible grâce à un Internet libre et ouvert en mettant sur un pied d’égalité toutes les entreprises face aux internautes et consommateurs.
Une situation possible en Europe ?
L’Union européenne est protectrice du principe de neutralité, cependant comme on peut le voir dans le cas des Etats Unis, il est possible de changer totalement les choses. On commence donc à s’inquiéter de l’influence que pourrait avoir les Etats Unis sur les pays européens car au fil du temps on a pu constater qu’il n’était pas rare de voir une décision prise de l’autre coté de l’Atlantique devenir une norme européenne.
C’est notamment avec le développement du réseau 5G, que l’on a pu voir la neutralité bousculée. En effet, le réseau 5G nécessite un réseau ouvert et un champ d’action conséquent pour les opérateurs. C’est pourquoi, certains opérateurs français, britanniques et allemands commencent à faire pression sur la neutralité du net auprès des institutions européennes. La 5G n’est prévue que pour 2020 donc il est fort probable que le sujet revienne sur le tapis d’ici quelques temps.
Si la fin de la neutralité est actée le 14 décembre prochain, certains acteurs ont déjà prévu de continuer de se battre pour défendre l’Internet libre et se préparent à avoir recours à la justice afin d’annuler la décision de la FCC. Les Etats Unis rayonnent dans le monde entier et influent sur beaucoup d’autres pays, c’est pour cela que l’on se sent si concerné par ce sujet. Le monde retient son souffle en attendant la décision finale.
TO BE CONTINUED…
SOURCES :
DROUGLAZET. K, « Les États-Unis vont-ils vraiment donner un coup fatal à la neutralité du Net ? », www.usine-digitale.fr, mis en ligne le 28 novembre 2017, consulté le 30 octobre 2017 : https://www.usine-digitale.fr/article/les-etats-unis-vont-ils-vraiment-donner-un-coup-fatal-a-la-neutralite-du-net.N619818
LAUSSON. J, « La fin de la neutralité du net aux USA devrait être actée en décembre », www.numerama.fr, mis en ligne le 16 novembre 2017, consulté le 30 octobre 2017 : http://www.numerama.com/politique/306696-la-fin-de-la-neutralite-du-net-aux-usa-devrait-etre-actee-en-decembre.html
SOLON. O, « Why the net neutrality protest matters », www.theguardian.com, mis en ligne le 11 juillet 2017, consulté le 30 octobre 2017 : https://www.theguardian.com/technology/2017/jul/11/what-is-net-neutrality-threat-trump-administration