Si pendant longtemps les marques de luxe étaient résolument hostiles à la création de leur site internet, aujourd’hui il constitue en réalité leur vitrine. Si la caractéristique propre d’un produit de luxe est la rareté, internet a inversé les codes et les produits de luxe sont aujourd’hui de plus en plus accessibles. A l’heure actuelle, par un simple clic il est possible d’acheter un sac à main d’une maison de haute couture et parfois à « moindre coût ». Cependant, internet connait aussi des zones d’ombre : les produits de luxe font l’objet de contrefaçon.
La contrefaçon des sites internet des maisons titulaires des droits de propriété intellectuelle.
Avec le développement d’Internet et du commerce en ligne, on assiste à une véritable prolifération des sites qui se prétendent être le site original de la maison de luxe mais il ne faut pas à oublier qu’un site internet fait l’objet d’une protection par le droit d’auteur notamment. S’il est particulièrement aisé de copier les éléments d’un site internet pour en développer d’autres, ces derniers constituent en réalité une contrefaçon qui peut se définir comme une imitation d’un produit et peut entrainer un risque de confusion dans les esprits. Cependant certains éléments permettent aux internautes de déceler ces sites contrefaits et l’exemple le plus convaincant est celui du contenu des conditions générales de vente. En effet, dans la plupart des cas, ces dernières sont incomplètes et extrêmement mal traduites. Dans ce cadre-là, il est possible pour le titulaire des droits d’agir sur le terrain de la contrefaçon des droits d’auteur qui est définie à l’article L.335-3 du code de la propriété intellectuelle. Plusieurs éléments du site internet sont susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur, sous réserve de leur originalité, comme par exemple la charte graphique du site ou encore l’aspect de la navigation sur le site. Cependant, dès lors que les éléments repris ne sont pas considérés comme originaux, la contrefaçon n’est pas caractérisée. Toutefois, il sera possible d’agir sur le terrain du parasitisme qui est constitué lorsqu’ « une personne, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ». Cependant, la contrefaçon même des sites n’est pas le seul fléau puisque les maisons de luxe doivent également lutter contre la contrefaçon de leurs produits et internet devient alors un lieu propice pour la commercialisation des produits de luxe contrefaits.
Le développement de la commercialisation des produits de luxe contrefaits sur internet et la place des réseaux sociaux.
Les marques de luxe mènent une lutte acharnée contre la vente de produits contrefaits par l’intermédiaire de plateforme de vente en ligne. Cependant, les personnes qui mettent en ligne ces produits sont difficilement identifiables car elles se cachent derrière de faux profils. Les titulaires des droits poursuivent alors les plateformes. Chanel en avril 2017, avait par exemple, déposé une plainte contre Amazon et la maison de luxe réclamait une compensation de deux millions de dollars « pour chacuns des revendeurs de contrefaçons repérés sur la plateforme de vente en ligne. ». Si par l’intermédiaire de certaines plateformes en ligne il est possible en un simple clic de devenir « chic », la commercialisation de produits contrefaits sur internet est aussi présente sur les réseaux sociaux qui deviennent de véritable vitrine de la contrefaçon.
Les réseaux sociaux ont connu ces dernières années des transformations dans leur nature et sont devenus de véritables lieux de rencontre entre les vendeurs et les acheteurs. Depuis sa création en 2004, Facebook a étendu son champ d’activité et en 2016 le réseau social a créé son propre « Marketplace ». Il s’agit d’« un service de petites annonces en ligne » directement accessible depuis sa page d’accueil Facebook. Cette nouvelle fonctionnalité de Facebook vient directement concurrencer d’autres sites de vente comme le Bon Coin. Grâce à la géolocalisation ou à la barre de recherche, il est possible de trouver le produit recherché. Il suffit ensuite « de cliquer sur l’image pour découvrir l’annonce, avec une description et toutes les informations nécessaires concernant le vendeur. » Facebook a innové dans les moyens de contacter le vendeur puisque le consommateur peut directement le joindre grâce à la messagerie instantanée de Facebook. Toutefois, le réseau social est victime de son succès puisqu’il devient une véritable vitrine de la contrefaçon. Cependant, Facebook a su se protéger puisqu’au regard des conditions générales de Facebook, le réseau ne gère pas la mise en vente des produits. Il ne sert que de « plateforme de mise en relation entre vendeur et acheteur » et les produits ne font dès lors pas l’objet d’un contrôle. Ainsi, des particuliers mais aussi des professionnels ont la possibilité de mettre en ligne des produits de luxe contrefaits sans faire de contrôle préalable sur la marchandise. Souvent sous des profils anonymes, ces types de vendeurs mettent en ligne des photos très attirantes du produit avec notamment l’emballage de la marque et proposent des prix extrêmement bas afin de capter l’attention du consommateur.
A côté du développement de la contrefaçon sur internet, le monde du luxe lutte également contre une nouvelle forme de commercialisation de ses propres produits.
Le marché gris : Une nouvelle menace pour les marques de luxe.
Pendant un temps, vendre des produits de luxe authentiques « importés d’une autre pays et distribués sans l’autorisation du titulaire des droits de propriété intellectuelle » inquiétait peu les marques de luxe car « les produits vendus n’étaient pas contrefaits et finissaient par produire des bénéfices. » Cependant le marché gris a connu une croissance fulgurante, si bien « qu’une chaîne de distribution en B2B est devenue une chaîne en B2B2C. » Dès lors, des produits qui étaient inaccessibles au commun des mortels sont aujourd’hui plus ou moins accessibles. Qualifié par certains de « cancer pour le secteur » certaines maisons de luxe n’hésitent pas à répondre au développement de ce marché. Il s’agit notamment de Chanel qui en 2016 a baissé les prix de ses produits d’environ 20% en Asie afin de contrer la pratique du « marché Daigou » qui constitue « une méthode illégale permettant aux résidents chinois de s’affranchir de la taxe sur l’importation imposée par l’État » et la maison Chanel a augmenté le prix de ses produits de 20% en Europe. Par ailleurs, Internet devient un véritable contributeur du développement du marché gris et des sites participent à l’accès au marché gris. Cependant, en chine par exemple, les autorités nationales sont intervenues pour mettre fin à cette pratique en créant des zones franches et l’idée est en réalité « d’ajouter au prix de vente une taxe correspondant aux droits d’importation, calculée en fonction du prix du produit »
Ainsi, les marques de luxe sont menacées de toutes parts avec le développement de la contrefaçon des produits mais aussi avec l’accroissement des ventes des produits de luxe sur des marchés parallèles. Toutefois, l’innovation a permis aux marques de luxe de trouver les failles de ces nouvelles pratiques.
Les vêtements connectés : L’innovation au service de la lutte contre la contrefaçon.
Face au développement accru de la contrefaçon, la technologie est apparue comme une réponse pour les maisons luxe. En effet, les objets connectés sont de plus en plus nombreux et ces derniers apparaissent comme une véritable réponse pour lutter contre la contrefaçon puisque certains vêtements sont aujourd’hui connectés.
Au départ, certaines marques de luxe, ont tout d’abord inscrit sur leurs produits des numéros de série et les acquéreurs pouvaient dès lors vérifier l’authenticité des produits grâce à ces numéros sur le site internet de la maison créatrice. Avec le développement des moyens techniques, aujourd’hui des puces RFID sont directement intégrées dans les produits par créateurs afin d’assurer la traçabilité des produits mais aussi « de vérifier la provenance du produit à l’aide d’un smartphone qui sert de relai » entre la puce et la base de données de la maison de création.
Si l’innovation apparait comme une solution à la lutte contre la contrefaçon, elle n’apparait pas comme la solution ultime puisque le développement des réseaux sociaux avec notamment les Marketplace deviennent de nouveaux lieux d’essor de la commercialisation de produits contrefaits.
SOURCES :
BOUCHET A., « Facebook Marketplace : le Bon Coin du réseau social débarque en France », numerama.com, mis en ligne le 21 août 2017, consulté le 20 décembre 2017 <https://www.numerama.com/business/282920-facebook-marketplace-le-le-bon-coin-du-reseau-social-debarque-en-france.html>
CHARABIE L., « Le luxe et la contrefaçon : la revente de produits contrefaits sur internet », blog économie- numérique.net, mis en ligne le 26 juillet 2016, consulté le 4 janvier 2018<http://blog.economie-numerique.net/2016/07/26/le-luxe-et-la-contrefacon-la-revente-de-produits-contrefaits-sur-internet/>
MORISSET D., « Le traval retail vs le marché gris : L’industrie du luxe face à la mondialisation », knowledge.essec.edu, mis en ligne 21 février 2017, consulté le 4 janvier 2018. <http://knowledge.essec.edu/fr/strategy/lattrait-du-luxe-dans-la-mondialisation.html>
SERRIES G., « Premier usage des vêtements connectés : la lutte contre la contrefaçon », zdnet.fr, mis en ligne 17 mai 2016, consulté le 4 janvier 2018 <http://www.zdnet.fr/actualites/premier-usage-des-vetements-connectes-la-lutte-contre-la-contrefacon-39836964.htm>
TIXEIRE L., « Le marché gris, mal nécessaire pour les fabricants de montres de luxe ? », fr.fashionnetwork.com, mis en ligne le 13 avril 2017, consulté le 20 décembre 2017 <http://fr.fashionnetwork.com/news/Le-marche-gris-mal-necessaire-pour-les-fabricants-de-montres-de-luxe-,816676.html#.WkojMGXSi8o>
TURCAN M., « Des gens vendent des centaines de contrefaçons sur Facebook en France la plateforme revendique pourtant une ‘’tolérance zéro’’ », businessinsider.fr, mis en ligne le 1er décembre 2017, consulté le 15 décembre 2017 <http://www.businessinsider.fr/facebook-marketplace-contrefacons-france-interdit>