Qu’est-ce qu’un NFT ?
Apparus en 2017, les jetons non fongibles (Non Fungible Token) représentent un objet numérique avec des caractéristiques propres. De ce fait, ils ne sont pas interchangeables avec d’autres, contrairement aux token fongibles. Stockés sur la blockchain, ils sont uniques, irremplaçables, et traçables. Les NFTs peuvent être achetés et vendus notamment sur Opensea, la plus grosse plateforme des NFT.
Une fois le bien numérique acheté, on en est propriétaire. Leur valeur peut augmenter rapidement par la suite, tel est le cas d’un Youtubeur qui a racheté un NFT à 290 000 dollars, à un vendeur qui l’avait pourtant acquis pour 200 dollars.
Les NFTs regroupent les collectibles (objets virtuels à collectionner), les metaverses (des parcelles de terrain), les trading card games (permettant de jouer un jeu), les utilitaires (rendant un service à leur possesseur) et les œuvres artistiques.
Le réel succès des NFT s’explique par la rareté numérique qu’ils créent. Contrairement à un créateur de logiciel qui, pour créer de la rareté, peut seulement restreindre l’accès et l’utilisation de son logiciel, seul le propriétaire du NFT peut le posséder. Tant qu’il ne le cède pas, personne d’autre ne peut l’acquérir. Le NFT est unique, et on pourra retracer toute la chaine de transmission de tous les propriétaires successifs.
Le montant des ventes de NFTs en 2021 a dépassé les 40 milliards de dollars. À titre de comparaison, le volume moyen annuel du marché de l’art mondial réalisé est de 57 milliards de dollars. Les NFT se vendent à des prix exorbitants, tel est le cas d’une image de la première page de Wikipédia qui s’est vendue à 750 000 euros.
Des acteurs ont même réussi à faire une levée de fonds de 8 millions d’euros en vendant des NFT pour produire leur série, et ce en 35 minutes seulement.
Désormais, ce sont aussi les marques de luxe et grandes entreprises qui s’y intéressent ; notamment avec Sony qui a annoncé que les NFT seraient intégrés dans ses nouvelles télévisions connectées et Ferrari qui a signé un partenariat avec la société NFT Velas Network.
Les conséquences de l’absence de cadre juridique.
Cependant, des problèmes apparaissent notamment concernant les droits de propriété intellectuelle. Si l’on a pu affirmer que personne ne pouvait acquérir un NFT tant que son propriétaire ne l’avait pas cédé, il y a toujours des failles et des possibilités de contourner les barrières dans le monde du numérique. En effet, certains utilisateurs peuvent faire une capture d’écran de l’image, et ensuite la réutiliser. Mais il reste toujours possible de vérifier pour n’importe qui l’identité de l’authentique propriétaire du NFT en question. Certaines plateformes telles qu’Instagram permettront même prochainement de faire certifier ces images. En effet chaque NFT est associé à un certificat d’authenticité qui garantit leur singularité, et qui retrace leur histoire et le nom des propriétaires successifs.
Par ailleurs, il arrive que des œuvres d’arts soient reproduites en NFT, sans l’accord de leur auteur, et donc de manière illégale. En décembre dernier, un artiste britannique de bandes dessinées a vu ses œuvres mises en vente sous NFT. Plusieurs artistes ont été victimes de ces actes. Or, si la loi Pacte du 22 mai 2019 est venue consacrer une nouvelle catégorie de biens incorporels, les actifs numériques, il n’y a actuellement pas de règles en la matière. La seule manière de légiférer pour le moment est de faire de l’analogie avec le droit positif.
En pratique, l’article L.335-3 du Code de la Propriété Intellectuelle sanctionne la reproduction d’une œuvre effectuée au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs en la qualifiant de contrefaçon. Cependant, la blockchain dans laquelle circule le NFT a des caractéristiques qui ne permettent pas d’agir comme dans le monde physique : une fois la contrefaçon qualifiée, que faire du NFT qui circule sur le marché numérique ? Il serait compliqué de le détruire alors que ce dernier est désormais détenu par son propriétaire.
De plus, si l’utilisateur mal intentionné se voyait condamner pour contrefaçon, encore faudrait-il pouvoir l’identifier.
Se pose aussi la question de la compétence du tribunal. Sur internet, ces objets virtuels peuvent provenir de différentes régions voire même de différents pays. Dès lors, quelle loi appliquer ?
Une future réglementation excluant les NFTs
Une législation propre à ces objets virtuels est pour le moins nécessaire ; ces derniers voyant le jour sans régulation propre ce qui a pour conséquence que certains utilisateurs profitent de ce vide juridique.
C’est ainsi l’objet de la proposition de règlement de la commission européenne concernant les marchés de crypto-actifs en date de septembre 2020. Le règlement MiCA portant régulation des actifs numériques permettrait ainsi de règlementer ces activités. Il offre une définition des crypto-actifs, prévoit leur régime, et sécurise la conservation et la circulation de ces biens virtuels.
Toutefois, il semblerait que les NFTs ne rentrent pas vraiment dans son champ d’application. En effet, l’article 4 du projet de règlement prévoit que les émetteurs de crypto-actifs devront être des personnes morales et devront notifier et publier un livre blanc en rapport avec le projet. Or, le même article précise que les jetons qui sont uniques et ne sont pas fongibles avec d’autres crypto-actifs n’ont pas à respecter ces exigences.
Enfin, le projet de règlement n’intégrerait pas la finance décentralisée, par laquelle transitent pourtant les paiements des NFTs.
Sources
- NFT : Des artistes volés sans pitié, bienvenue dans l’autre réalité (sombre) des crypto-arts, 20 minutes, Laure Beaudonnet, 24/11/21.
- Les NFT font tourner la tête des géants du luxe, L’usine nouvelle, Adeline Haverland, 30/12/2021.
- La crypto-contrefaçon crispe le monde de l’art, Le monde, Roxana Azimi, 04/01/22.
- Les NFT, ces objets numériques, se vendent parfois pour des centaines de milliers d’euros voire des millions, RTL, François Lenglet, 04/01/22.
- NFTs et contrefaçon – Que risque l’émetteur d’un NFT dont il n’est pas l’auteur ?, Cryptoast, Benjamin Allouch, 20/03/2021.
- Commission européenne, proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les marchés de crypto-actifs, et modifiant la directive (UE) n° 2019/1937, 24 sept. 2020, COM/2020/593.