“En Europe, l’oiseau volera selon nos règles européennes“, ce tweet de Thierry Breton, Commissaire européen du marché intérieur, reflète l’influence de l’Union européenne dans la construction du “nouveau Twitter” d’Elon Musk. En effet, ce tweet est l’une des nombreuses réactions de personnalités européennes face à la politique de modération menée par le nouveau dirigeant. Ces dernières semaines, le réseau social est au cœur de l’actualité et des polémiques ; en cause : une vague de liberté d’expression “made in USA” venant secouer la réglementation européenne et notamment le DSA.
Le rachat de Twitter par le milliardaire Elon Musk a permis un changement radical dans la conception actuelle des réseaux sociaux. Orienté du coté des Libertariens, il souhaite transformer twitter en “une place publique numérique commune où un large éventail de croyance peut être débattu de manière saine, sans recourir à la violence“. Toutefois, sa vision est confrontée à celle de l’Union européenne, comme le rappelait Emmanuel Macron pendant l’émission Good Morning America “La liberté d’expression et la démocratie reposent sur le respect et l’ordre public. Vous pouvez manifester, vous pouvez vous exprimer librement, vous pouvez écrire ce que vous voulez mais il y a des responsabilités et des limites“.
Ainsi, le cœur du débat est centré sur la politique de modération de Twitter qui représente une source d’inquiétude pour le vieux continent.
Une politique de modération dans la main d’un seul homme, ou presque
Après avoir rompu entre 4400 et 5500 contrats de prestataire, qui entre autres s’occupaient des services de modération du réseau social, on compte aujourd’hui moins de 2000 modérateurs à travers le monde. Cela fait écho à la volonté d’une modération automatique en déréférençant les contenus haineux sur le site. Elon Musk souhaite que lesdits propos soient autorisés, mais qu’ils ne seront pas accessibles sur le fil d’actualité des individus, uniquement sur leur profil et démonétisés. Il souhaite alors une« liberté de parole, mais pas de portée ».
Aussi, l’ère Musk marque la fin de la politique de modération vis à vis de la crise du covid 19 et la lutte contre la désinformation des vaccins. Mécanisme permettant d’interdire “d’utiliser les services Twitter pour partager des informations fausses ou trompeuses sur le Covid-19 susceptibles d’entraîner un préjudice“.
De plus, sa volonté de liberté est marquée par la réintégration, suite à des sondages directs sur son profil Twitter,de près de 12 000 comptes antérieurement bannis, avec un objectif de 62 000 comptes réinstaurés. Parmi ceux-ci, on peut citer des comptes de suprémacistes blancs, Neo-nazis ou bien le compte de l’ancien président des États-Unis Donald Trump. Tous les comptes bannis ont pu profiter aussi de l’accès à l’abonnement de “Twitter Blue” permettant une visibilité accrue.
Une modération qui montre déjà des faiblesses
Ce cocktail de modération a montré rapidement ses faiblesses, notamment par la suspension du compte de Kanye West. L’artiste a publié plusieurs messages antisémites en postant entre autres une croix gammée dans une étoile de David. Toutefois, son compte est désactivé temporairement et non définitivement.
Cela porterait à croire que de nombreux tweets comme celui-ci circuleraient impunément sur la plateforme. Ainsi selon le New-York Times, les contenus haineux sont massivement diffusés sur la plateforme. L’étude menée par le Center for Countering Digital Hate démontre cette tendance à la hausse.
Lors de la première semaine sous la direction d’Elon Musk il y a eu par exemple:
-26,228 Tweets et re-tweets mentionnant le mot N*gger, une augmentation par 3 dans l’année de 2022.
-Une augmentation de 60% des messages antisémites.
-Les contenus haineux envers les homosexuels ont atteint presque 4000 tweets par jours, progressant de 58%.
De plus les contenus terroristes sont aussi en expansion. Selon le Global Network on extremism and technology lors des premiers jours d’Elon Musk 450 nouveaux comptes de l’État Islamique ont été détecté soit une augmentation de 69%.
Mais Elon Musk possède d’autres chiffres
Après les études publiées par les différents organismes, Elon Musk a tout de suite réfuté les chiffres avancés. Il s’est appuyé sur sa propre étude, car selon lui “Les visionnages de discours haineux (nombre de fois où le tweet a été vu) continuent de diminuer, malgré une augmentation significative du nombre d’utilisateurs ! La négativité devrait obtenir et obtiendra moins de portée que la positivité“. De plus il affirme “Les discours haineux représentent moins de 0,1 % de ce qui est vu sur Twitter “.
L’Union européenne rappelle à l’ordre la politique de modération de Twitter
En observant la gestion de Twitter par Elon Musk, des personnalités européennes ainsi que des autorités comme l’ARCOM ont réagi afin que la plateforme se mette en conformité avec la réglementation européenne à venir.
L’une d’elle est Thierry Breton qui occupe un poste important dans l’économie du numérique, puisqu’il est chargé de mettre en œuvre le DSA. Récemment, il a pu avoir un échange en visioconférence avec le propriétaire de Twitter. Cette rencontre à distance a permis de rappeler les grands principes du DSA comme une politique de transparence, une modération renforcée face aux contenus illicites…
Twitter étant considéré comme une très large plateforme avec plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels en Europe, elle devra s’acquitter à de nombreuses obligations sous peine de sanction.
Le résultat de cet échange a permis de confirmer qu’Elon Musk était favorable au DSA et qu’un test de résistance au siège de Twitter début 2023 aura lieu, afin d’évaluer sa mise à conformité.
La deuxième personnalité européenne qui a élevé la voix est Emmanuel Macron, lors de sa visite aux USA. Le président de la République Française et le dirigeant de Twitter ont pu se rencontrer en Louisiane. Cet échange, rappelant sensiblement celui avec Thierry Breton, a permis de marquer la position européenne sur les contenus haineux en ligne.
Toutefois, il ressort deux points importants. Elon Musk a confirmé la présence de Twitter dans l’appel de Christchurch, qui est un mouvement composé d’États, d’entreprises et d’ONG qui luttent contre la diffusion des contenus terroristes et extrémistes sur internet. En participant à cet appel, lesdits contenus devront être retirés dans l’heure.
Aussi, cette discussion claire et sincère a permis d’aborder la question de la protection des enfants en ligne, un combat partagé par Elon Musk. Ainsi la mise en place d’outils permettant une meilleure vérification de l’âge, la détection des prédateurs sexuels plus rapidement ainsi que de lutter contre le cyberharcèlement ont été des sujets débattus par les deux hommes.