Face à l’évolution permanente des technologies numériques, il est évident que les sites qui hébergent des contenus susceptibles de porter atteinte au droit d’auteur doivent s’adapter afin d’éviter que de telles atteintes se produisent. C’est le cas notamment des réseaux sociaux comme Twitter qui le 5 novembre dernier, a décidé de modifier sa politique d’affichage de tweets qui seraient une atteinte au copyright anglo-saxon en particulier, mais qui peut s’appliquer aussi dans tous pays disposant d’une législation similaire en la matière.
La politique de Twitter jusqu’à maintenant :
Jusqu’à la date du 5 novembre 2012, la politique de Twitter était beaucoup plus radicale afin de s’affranchir de sa responsabilité en cas de publication de tweets qui ne respectaient pas le droit d’auteur, plus précisément leur droit de reproduction.
Twitter étant un site web qui est basé aux Etats-Unis, le droit américain est bien entendu applicable, (plus précisément celui de l’Etat de Californie car l’entreprise est basée à San Francisco), plus spécifiquement le DMCA (Digital Millenium Copyright Act), adopté en 1998 sous la présidence de Bill Clinton, afin de lutter contre le téléchargement illégal et les atteintes en général au droit d’auteur. Certes, la législation européenne et française (loi DADVSI, loi Création et Internet) sont les équivalents de la législation américaine, mais celle que Twitter mentionne par défaut sur son site est celle de son pays d’origine.
De ce fait, quelle que soit la législation en vigueur, Twitter est responsable en tant qu’hébergeur des contenus publiés son site, que ce soit des images, des liens redirigeant vers d’autres sites, ou encore des contenus vidéo. Puisqu’elle est responsable des tweets postés sur son site, elle engage sa responsabilité selon les dispositions de la LCEN (Loi pour la Confiance en l’Economie Numérique) votée en 2004. Elle ne pourrait se désengager de sa responsabilité que si elle peut prouver qu’elle ne savait pas que ces tweets étaient écrits par les personnes incriminées. De plus, il n’est pas évident que les photographies incriminées soient vues par l’ayant-droit au vu du nombre de contenus publiés sur le site.
Dans les faits, il est évident que Twitter fait de son mieux pour ne pas être accusé d’héberger des contenus illégaux, alors qu’elle doit gérer plus de 500 millions de tweets environ par jour. Par exemple, lors de la publication de tweets antisémites suite au hashtag[1]« un bon juif », le site s’est empressé de faire supprimer les remarques blessantes, racistes et antisémites afin de ne pas être condamné à payer une forte somme devant les tribunaux français et étrangers. Même pour le cas des tweets violant de façon présumée le droit d’auteur, le site ne faisait que supprimer tout simplement les tweets litigieux, sans aucune forme de procès et sans que la personne qui les avaient publiées ou les utilisateurs puissent réagir. Toutefois, Tweeter a décidé récemment de changer les règles afin que leur façon de lutter contre la violation du droit d’auteur puisse être plus claire et plus facile à appréhender.
La nouvelle politique de Twitter, entre normalisation et questionnement :
Comme énoncé précédemment, Twitter est un réseau social qui s’efforce de respecter les droits des auteurs, compte tenu des contenus qui sont publiés, notamment photographies, vidéos, et liens vers d’autres sites. Dans la pratique, il est intéressant de noter que le site n’a fait l’objet jusqu’à présent que de peu de poursuites judiciaires, dont un cas d’espèce en 2010 à propos d’un photographe qui avait pris des clichés lors du tremblement de terre en Haïti et dont les photographies ont été exploitées sans le consentement de l’auteur car l’A.F.P. avait vendu les photographies à des chaînes de télévision, en exploitant le droit de l’auteur sans son consentement, d’autant plus qu’en les postant sur le site, il avait consenti à une utilisation non commerciale, selon le C.G.U. du site alors en vigueur.
A présent, à partir du 5 novembre 2012, lorsqu’un ayant-droit voit que l’une de ses œuvres ne faisant pas l’objet d’une utilisation légale au regard à ce que l’auteur avait consenti, et ne respecte pas le droit de reproduction de l’objet appartenant à un autre utilisateur, ce dernier peut remplir un formulaire afin de notifier le site qu’il y a violation de droit d’auteur concernant une photographie ou vidéo en particulier. Twitter mène une enquête pour voir si l’allégation de la personne est véridique. Par la suite, la personne accusée est informée qu’une personne voudrait la suppression de ce qu’elle a publié car l’action commise viole son droit moral. Si l’objet publié est une violation des droits de l’auteur, Twitter supprime le message litigieux et remplace le tweet par un message standard : Tweet withheld. This Tweet from @Username has been withheld in response to a report from the copyright holder. Learn more (“Tweet retenu. (Ce tweet de @nomUtilisateur a été retenu en réaction à un rapport d’un titulaire de droit d’auteur”). En plus de ce le site effectue, il publie le rapport détaillé de la supposée atteinte sur le site web Chilling Effects, où les parties peuvent suivre l’évolution des évènements. Toutefois, la personne accusée de violer les droits d’auteur peut se défendre en publiant une sorte de contre –attaque si elle estime que son tweet a été supprimé de façon erronée. En revanche, le site avertit au préalable que le mieux est de demander l’avis d’un avocat avant de soumettre une réclamation pour vérifier que l’on est dans son droit de demander l’avis de retrait d’un contenu illégal. Si la personne a réellement posté du contenu violant le droit d’auteur, il se peut que son compte soit suspendu ou supprimé s’il tente à nouveau de reposter ce même contenu litigieux. Twitter avertit aussi que toute fausse plainte ou contre plainte peut avoir des conséquences pénales, il faut bien réfléchir avant de se lancer dans de telles procédures.
On pourrait se demander quel est l’intérêt de la nouvelle politique de Twitter. Théoriquement, il s’agit d’être davantage pédagogique et clair afin que les parties en cause identifient plus clairement le contenu potentiellement litigieux, et que les personnes consultant un compte utilisateur sachent que du contenu problématique se trouvait là. Auparavant, il était impossible de le savoir puisque le contenu avait disparu comme s’il n’avait jamais existé.
Dans les faits, ce changement d’aspect est purement cosmétique, dans la mesure où la façon pour Twitter de gérer les contenus postés sur le site n’a pas changé, comme cela est indiqué sur les Conditions Générales d’Utilisation (CGU), mais cela nous fait poser des questions sur la façon dont Twitter condamne les personnes présumées, car il semblerait que ce soit une présomption de culpabilité vis-à-vis de la personne suspectée de mettre en ligne sur le site du contenu illicite, ce qui est jugé contraire aux droits de la défense, confirmé par la jurisprudence des tribunaux dans la plupart des pays occidentaux. De plus, l’on pourrait se demander quelle est la limite du pouvoir de décision du site, dans la mesure où le site ne supprime pas automatiquement le contenu litigieux, mais attend d’analyser la plainte pour voir si cette dernière est légitime, et agir le cas échéant ou pas. Il se pourrait que cela soit gênant dans la mesure où Twitter est juge et partie car décidant unilatéralement si le droit est appliqué normalement ou pas. On pourrait proposer que ce soit un juge qui pourrait décider de l’atteinte ou non à des droits de la personne plaignante et agir en conséquence.
Dans l’ensemble, on peut dire que la nouvelle méthode de Twitter est satisfaisante. En effet, il semblerait que le site avait besoin de monter davantage de transparence dans ses méthodes de suppression de tweets litigieux. A travers ce changement, c’est à nouveau une démonstration que le droit d’auteur dans le domaine des médias sociaux est une activité encore naissante, à ses balbutiements, et à travers les nouvelles technologies, le droit s’efforce de maintenir une ligne droite entre les nouveaux moyens de communication et la propriété intellectuelle, (et d’autres droits afférents à la personne), afin que les prérogatives des auteurs et celles des utilisateurs puissent s’articuler de la façon la plus harmonieuse possible.
Sources :
-ANONYME (rédaction de ZDNet.fr), “Liens illégaux : Twitter masque les tweets incriminés mais ne les supprime pas”, mis en ligne le 5 novembre 2012, consulté le 17 novembre 2012, disponible sur http://www.zdnet.fr/actualites/liens-illegaux-twitter-masque-les-tweets-incrimines-mais-ne-les-supprime-pas-39784175.htm.
-ANONYME, “Twitter : Nouvelle politique face au piratage de contenus”, mis en ligne le 5 novembre 2012, consulté le 18 novembre 2012, disponible sur http://www.undernews.fr/contrefacon-cracking/twitter-nouvelle-politique-face-au-piratage-de-contenus.html
-ARENE V., “Twitter, plus transparent pour faire respecter les droits d’auteur”, mis en ligne le 5 novembre 2012, consulté le 11 novembre 2012, disponible sur http://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-twitter-plus-transparent-pour-faire-respecter-les-droits-d-auteur-51124.html.
-CAMPEAU G., “Twitter rend plus visibles les retraits de liens vers des contenus piratés”, mis en ligne le 5 novembre 2012, consulté le 10 novembre 2012, disponible sur http://www.numerama.com/magazine/24186-twitter-rend-plus-visibles-les-retraits-de-liens-vers-des-contenus-pirates.html
-HERBERT J., “Twitter remplace les tweets soumis à des droits d’auteur”, mis en ligne le 5 novembre 2012, consulté le 18 novembre 2012, disponible sur http://www.begeek.fr/twitter-remplace-les-tweets-soumis-a-des-droits-dauteur-75308.