L’Espagne était réputée pour être un « paradis du piratage en Europe », ce qui déplaisait fortement aux Etats-Unis. Le mauvais élève européen a choisi de ne pas rester endormi au fond de la classe. Le 30 octobre 2014, le Congrès espagnol a approuvé la réforme de la loi espagnole sur la propriété intellectuelle. Cette réforme tend à renforcer les droits de propriété intellectuelle et la lutte contre les sites illégaux de streaming et de téléchargement.
Des mesures de protection des contenus protégés par le droit d’auteur espagnol vivement critiquées
Le Gouvernement espagnol souhaite voir une réduction significative des téléchargements illégaux sur internet, ces derniers étant un véritable « fléau » en Espagne. Toutefois, le projet de réforme a entraîné de nombreuses critiques de la part du parti politique d’opposition, de la part des internautes et de la part de Google.
La critique des pouvoirs conférés à l’autorité administrative espagnole créée par la réforme
La réforme prévoit la mise en place d’une Commission de la propriété intellectuelle. Cette autorité administrative sera saisie par les ayants droits qui n’auront pas réussi à obtenir le respect de leurs droits d’auteurs par les sites internet. Elle pourra alors exiger de ces derniers qu’ils suppriment les fichiers litigieux dans un délai de 48heures. Elle pourra également prononcer des amendes administratives pouvant aller jusqu’à 300 000 euros. L’autorité administrative s’adressera donc directement aux sites internet fournissant des liens peer to peer, ce qui la distingue de l’autorité française et de sa riposte graduée qui sont tournées vers une sanction des internautes.
En Espagne, la protection des contenus protégés par le droit d’auteur consistera donc à impliquer non seulement les sites internet mais également les intermédiaires techniques et financiers. Les sites devront retirer tout contenu portant atteinte à des droits d’auteur, peu importe qu’ils tirent ou non des revenus de leurs activités.
Tout intermédiaire qui refusera de coopérer sera considéré comme étant un contrefacteur. Il y a une idée de sanctionner directement la source qui fournit les œuvres piratées plutôt que de sanctionner les internautes qui profitent de ces œuvres.
Paradoxalement, les internautes espagnols et le parti politique opposant ne sont pas satisfaits de ces mesures. Ils estiment en effet qu’elles constituent une censure tout en méconnaissant leurs droits fondamentaux. Le gouvernement espagnol a pourtant souligné le fait que la liberté d’expression sera respectée et que les sanctions ne se traduiront pas par la fermeture définitive des sites internet. Une fois encore, le mariage entre les libertés et la protection de droits semble difficile à mettre en œuvre.
La très critiquée « Taxe Google » ayant pour but de protéger la presse écrite et le droit d’auteur
La réforme de la loi espagnole sur la propriété intellectuelle comporte une mesure encore plus décriée appelée la « taxe Google ». Cette taxe vise à protéger la presse espagnole en exigeant que Google verse une taxe mensuelle aux journaux espagnols avant de les référencer sur son service Google News. Ainsi, les services de Google postant des liens ou des extraits de nouveaux articles provenant de journaux espagnols devront payer une taxe à l’organisation représentant ces journaux ou AEDE sous son sigle espagnol. Les journaux européens et espagnols reprochent à Google d’utiliser leurs contenus protégés par le droit d’auteur sur le service Google News mais Google estime que c’est grâce à ce service que les sites internet des journaux ont autant de trafic. Les critiques considèrent que ce genre de taxes tuera l’Internet.
Une législation similaire avait été prise en Allemagne, la conséquence avait été la suppression par Google de tous les liens vers les journaux. Les sites internet des journaux se sont alors retrouvés avec un trafic très faible. Il semblerait que Google ait plus de pouvoirs que ces législations. La solution se trouverait alors ailleurs, avec une potentielle intervention de l’Union européenne.
Une harmonisation nécessaire par l’Union européenne pour une réelle efficacité des mesures
L’Union européenne pourrait soutenir ces mesures visant à protéger la propriété intellectuelle et à défendre le droits d’auteur sur Internet dans l’avenir. Le Commissaire européen Günther Oettinger a en effet affirmé que « si Google utilise la propriété intellectuelle des Etats membres de l’Union européenne, l’Union européenne peut protéger cette propriété et demander à Google de verser une contrepartie financière ».
L’Espagne se démarque en adoptant ces nouvelles mesures dont l’efficacité ne pourra être appréciée qu’à partir de janvier 2015.
La lutte pour la protection de la propriété intellectuelle sur Internet n’est pas terminée et elle devra se faire à une échelle plus grande que celle des Etats. Il s’agit d’une lutte de tous les instants car si « l’Internet donne, l’Internet prend » également.
SOURCES :
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