Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 27/03/2020, 399922
Dans sa décision du 27 Mars 2020, le Conseil d’État finit sa mise en conformité à la position de la Cour de Justice de l’Union Européenne. La haute autorité administrative a donc statué sur la territorialité du droit au déréférencement qui matérialise le droit à l’oubli sur internet. C’est ainsi que la portée mondiale du droit au déréférencement ne pouvait s’appliquer en l’état actuel du droit français. Il rappelle par la même occasion le principe de déréférencement européen applicable en conformité avec la position de la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Faits : L’autorité de contrôle française, la Commission national de l’Informatique et des Libertés, sanctionne la société Google Inc. au regarde de la non-exécution des demandes faite dans une mise en demeure précédente. L’autorité nationale avait demandé à la société d’effectuer un déréférencement de portée mondiale.
Procédure : La Commission nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a mis en demeure le 21 Mai 2015 la société Google Inc. de procéder à un déréférencement mondial. Google n’a pas accédé aux demandes de l’autorité de contrôle. Et celle-ci dans une Délibération 2016-054 du 10 mars 2016 prononce une sanction pécuniaire de 100.000 euros et la rend publique. La société a demandé l’annulation de la délibération auprès du Conseil d’état. Il connaitra de l’affaire dans une décision du 19 juillet 2017, sursis à statuer, et saisit d’une question préjudicielle sur la territorialité du droit au déréférencement auprès de la Cour de justice de l’Union européenne. C’est donc le 24 septembre 2019 que la cour répondra au Conseil d’état.
Problème de droit : Dans cette affaire c’est la portée territoriale du droit au déréférencement qui est interrogée. Il est question de savoir si celui-ci peut être mondial ou seulement européenne pour une demande faite dans un état membre.
Solution : Dans sa décision du 27 mars 2020, le Conseil d’état tire les conclusions nécessaires de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Il annule la délibération de la CNIL sanctionnant la société Google Inc. En justifiant ceci quant à l’absence de législation française qui pourrait excéder le champ du droit de l’Union européenne pour s’appliquer en dehors du territoire des états membres. De plus, l’autorité de contrôle en effectuant une substitution de base légale durant la procédure en se basant plus sur la directive 95/46/CE et la loi Informatique et Libertés n° 78-17 aurait dû par la suite procéder à une mise en balance entre le droit à la liberté d’information d’un côté et le droit à la vie privée et la protection des données des personne concernées de l’autre. Le Conseil d’état rappelle que cette mise en balance n’a pas été faite. Compte tenu de ses élément la CNIL ne peut que demander un déréférencement européen.
Note :
Le droit au déréférencement est la matérialisation du « droit à l’oubli » affirmé lors de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne Google Spain du 13 mai 2014. Ce droit revêt un enjeu important dans nos sociétés hyperconnectées. Du point de vu demandeur ce sont le droit à la protection de ces données à caractère personnel et son droit à la vie privée qui sont revendiqués. De l’autre côté c’est le droit à la liberté d’information.
La question qui s’est posée a été de savoir si une demande de déréférencement faite à l’autorité de contrôle française pouvait amener à un déréférencement mondial.
En l’espèce, le Conseil d’État a été saisie par la société Google Inc. aux fins d’annulation de la sanction prononcée par la CNIL. C’est dans sa décisions du 19 Juillet 2017 que la haute autorité administrative a sursis à statuer et saisit la Cour de justice d’une question préjudicielle sur l’étendue de la portée du droit au référencement.
La cour européenne a donc répondu en limitant à la portée européenne du droit au déréférencement. Associé à une exigence de mise en place de mesures complémentaires « (…) en combinaison avec des mesures qui, tout en satisfaisant aux exigences légales, permettent effectivement d’empêcher ou, à tout le moins, de sérieusement décourager les internautes (…) ».
De plus, la Cour reconnait la compétence des autorités nationales de contrôle ou judiciaires pour ordonner le déréférencement de résultats sur toutes les versions d’un moteur de recherche après la mise en balance des droits précédemment cités. Cette compétence donne un pouvoir d’obligation qui devra s’apprécier casuistiquement et non pas être mis en place systématiquement comme la CNIL le faisait.
Une application de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne dans le droit français par le Conseil d’État.
La haute autorité administrative française a tiré les conséquences directes de la jurisprudence européenne. Celle-ci les a ensuite appliquées au contentieux opposant la CNIL et la société Google Inc.
En substituant la base légale au cours de la procédure a commis une erreur de droit, la Cour rappelle que les faits reprochés à Google Inc. doivent être jugés selon la loi du 6 janvier 1978 modifiée transposant la directive du 24 octobre 1995, puisque la sanction de la CNIL date de 2016.
La société Google Inc. avait procédé dans un premier temps à un déréférencement limité au pays du demandeur. Puis il a effectué un déréférencement européen suite à la mise en demeure prononcée à son encontre. La Cour européenne a rappelé que c’était le principe applicable en France.
En effet, le Conseil d’État constate que le droit français ne dispose pas de texte pouvant permettre à la CNIL de prononcer un ordre de déréférencement mondial.
Au regard de ces éléments le Conseil d’État a constaté que la décision de la CNIL n’était pas en accord avec la jurisprudence de 2019 de la CJUE. Il a donc prononcé l’annulation de la délibération sanctionnant Google Inc.
Chloé Hoareau
Master 2 Droit des médias et des télécommunications
AIX-MARSEILLE UNIVERSITE, LID2MS-IREDIC 2011