Selon l’article L. 113-7 du Code de la propriété intellectuelle, une œuvre audiovisuelle est une œuvre de collaboration nécessitant la contribution de différents auteurs : le scénariste, l’adaptateur, le dialoguiste, le compositeur et le réalisateur.
Ainsi dans une œuvre audiovisuelle, la musique fait partie intégrante de l’œuvre à laquelle elle se rattache, participe à l’identification de celle-ci et à l’immersion du spectateur dans l’univers du film. Nombreuses sont les compositions musicales qui identifient directement le film auquel elles se rattachent : que ce soit les motifs orchestrés de Hans Zimmer (Inception, Interstellar, The Dark Knight), les ostinatos d’Ennio Morricone (films westerns de Sergio Leone), les morceaux de piano de Ludovico Einaudi (Intouchables), ou encore les musiques de comédies musicales (Les choristes, West Side Story).
Dès lors, les producteurs de films misent et investissent sur l’exploitation phonographique de la bande originale pour alimenter le succès de leur œuvre. Ce marché intéresse les compositeurs, qui seront titulaires de droit d’auteur sur leur création originale, mais également les producteurs car dans le cadre d’un contrat de production audiovisuelle, les auteurs-compositeurs-interprètes cèdent leur droit voisin au producteur.
Il est important de distinguer la bande originale de la création qui reprend une musique préexistante et non spécialement composée pour le film. Dans ce cas, le compositeur est auteur de l’œuvre musicale préexistante mais échappera à la qualité de coauteur de l’œuvre cinématographique à laquelle elle s’incorpore (Cour d’appel de Paris, 14 mars 1962). Nous ne traiterons ici que de la bande originale spécialement composée pour la sonorisation et l’accompagnement d’un film, car cette création confère à son compositeur des droits particuliers.
Le compositeur de bande originale, coauteur de l’œuvre audiovisuelle
Aux termes de l’article L. 113-7 du Code de la propriété intellectuelle, figure parmi les coauteurs d’une œuvre audiovisuelle « l’auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l’œuvre ».
La qualité de compositeur doit être reconnue à l’auteur d’une œuvre musicale dès lors que celui-ci est à l’initiative de l’œuvre et n’a pas donné mandat à un collaborateur pour faire des arrangements de sa musique (Cour d’appel de Paris, 9 septembre 1989).
Ainsi, l’auteur de la musique spécialement composée pour le film bénéficie des mêmes droits et obligations que les autres coauteurs (réalisateur, scénariste, dialoguiste, adaptateur) sur l’œuvre audiovisuelle prise dans son ensemble. En d’autres termes, l’intégration de la bande originale à l’œuvre globale de collaboration confère à son auteur des droits moraux et patrimoniaux qu’il devra exercer d’un commun accord avec les autres coauteurs. La jurisprudence a d’ailleurs déclaré irrecevable l’action du compositeur agissant seul contre une atteinte au droit moral sur une comédie musicale reprenant l’œuvre Les misérables (Cour d’appel de Paris, pôle 5, ch. 2, 28 janv. 2022, n° 20/09968).
Les musiques et bande originale de films constituent un marché important pour les auteurs-compositeurs à l’origine de leur création. Deux choix de contrats s’offrent à eux. Le compositeur s’engage auprès du producteur à écrire la bande originale soit par un contrat de commande, auquel cas le compositeur transmettra la propriété matérielle de la partition mais restera titulaire des droits d’auteur ; soit par un contrat de cession et d’édition musicale pour lequel il cèdera les droits dont il est titulaire sur son œuvre.
L’exercice des droits moraux et patrimoniaux du compositeur de bande originale
Pour rappel, les droits patrimoniaux peuvent faire l’objet d’aménagements contractuels, ce qui n’est pas le cas des droits moraux attachés à la personnalité de l’auteur qui sont perpétuels, inaliénables et imprescriptibles.
S’agissant de l’exploitation de la bande originale, le contrat doit prévoir une clause sur les modes d’exploitation de la bande originale. Ainsi, l’illustrateur sonore dispose de droits de reproduction mécanique (gérés par la SRDM) et de droits de représentation publique (gérés par la SACEM).
Lorsque l’œuvre cinématographique est exploitée en salle, la SACEM collecte directement les droits de représentation publique dus pour la musique sur la recette générée par les entrées avant de redistribuer ces sommes à l’auteur-compositeur.
Ensuite, le compositeur dispose d’un droit de destination, selon lequel chaque mode d’exploitation doit être distingué dans le contrat, lui permettant de s’opposer à certaines formes d’utilisations secondaires de son œuvre comme par exemple la diffusion dans un magasin d’une de ses musiques enregistrés pour un film.
Concernant les droits moraux, le contrat de commande ou de cession des droits doit contenir une clause concernant la mention du nom de l’auteur-compositeur. En vertu du droit de paternité dont il dispose, le nom du compositeur d’une musique de film doit figurer sur le générique du film pour lequel il a collaboré ainsi que dans les documents promotionnels (publicité, affiches, bande-annonce, dossiers de presse..).
Cette règle est d’ordre public et l’omission d’une telle mention constitue une atteinte portée au droit au respect du nom et ce, même si plusieurs compositeurs ont participé à la bande originale ou que la durée de la contribution du compositeur est peu importante par rapport à l’ensemble de l’œuvre audiovisuelle (en ce sens TGI Paris 30 mai 1984 Société Warner Bros Transatlantic et autres).
L’exploitation indépendante d’une bande originale de film
L’article L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle confère aux coauteurs d’une œuvre audiovisuelle le libre usage de leur contribution personnelle dans un genre différent de celui de l’œuvre audiovisuelle.
Le compositeur peut donc exploiter commercialement ses créations musicales indépendamment de l’exploitation du film. Cela est affirmé de manière constante par les juridictions, la chambre civile de la Cour de cassation a en effet exprimé que l’auteur d’une musique de film peut, s’il ne porte pas atteinte à l’œuvre commune, se livrer à une exploitation autonome de son œuvre (Civ. 1ère, 14 janvier 2003).
Ces exploitations donnent essentiellement lieu à des redevances au titre de la représentation publique lorsque la musique est diffusée à la radio ou à la télévision, ainsi qu’à des droits de reproduction mécanique pour la fabrication de phonogrammes.
GRAVIER Aude, Master 2 DCAN, Aix-Marseille Université, LID2MS.
Sources :
- Droit de la propriété littéraire et artistique, Pierre-Yves Gautier, Lextenso
- Les contrats de la musique, 7e édition, Pierre-Marie Bouvery
- Dalloz action Droit d’auteur, Chapitre 207, Créations musicales, André R. Bertrand, 2010
- Site : https://www.jss.fr/Le_statut_juridique_de_la_bande_originale-2926.awp